05/02/2010

pneu en flamme pendant une manifestation des ouvriers de Continental à Clairoix dans l'OisePour les six Conti : juste des amendes a décidé la cour d'appel d'Amiens
Les juges de la cour d'appel d'Amiens, ce 5 février 2010, ont condamné les Conti à des peines d'amende, allant de 2 000 euros pour cinq d'entre eux, à 4 000 euros pour Xavier Mathieu, leur leader. Les six ex-salariés de Continental à Clairoix (Oise) comparaissaient en appel pour avoir « saccagé » la sous-préfecture de Compiègne, en avril 2009.

La cour d'appel n'a donc pas confirmé la condamnation en première instance, ni suivi les réquisitions en appel, le 13 janvier 2010, de l'avocat général Pierre Avignon, qui demandait de 2 à 5 mois de prison avec sursis, ou des peines de travaux d'intérêt général (TGI), ni la demande de l'avocate de la défense, Me Marie-Laure Dufresne-Castets, qui plaidait la relaxe pure et simple.
L'arrêt de la cour d'appel retient contre les Conti le « délit de dégradation de bien destiné à l'utilité publique ».


A la sortie du tribunal, Xavier Mathieu confiait à la presse, «
on considère ça comme une relaxe, on est heureux, soulagés
» […] « C’est la fierté de la classe ouvrière qui a été relaxée ». Il a aussi ironisé en faisant allusion à Nicolas Sarkozy (et à la fameuse menace vis-à-vis des « comploteurs » dans l'affaire Clearstream) qui fourbirait « quelques crochets de bouchers tout neufs […] Il les utilisera pas pour nous ».
xavier mathieu, leader CGT de Continental à Clairoix, portrait réalisé par TaousXavier Mathieu, qui s'est imposé comme la figure majeure du conflit, a été condamné comme en première instance à la peine la plus lourde. Homme de la base, parlant le langage de la base, usant des mots drus des militants ouvriers d'autrefois, il n'avait pas hésité à critiquer violemment la direction de son syndicat, la CGT.

Sur les marches du palais de justice d'Amiens, on remarquait la présence d'Arlette Laguiller, ancienne porte-parole de Lutte ouvrière et Olivier Besancenot (NPA). Celui-ci avait réaffirmé au micro de France Info un peu plus tôt dans la matinée
qu'il « serait incompréhensible que les Conti ne soient pas relaxés », soulignant le deux poids deux mesures des pouvoirs publics qui poursuivent les Contis quand d'autres, à la tête d'entreprises ne sont pas inquiétés (AZF…). (Olivier Besancenot répond à Raphaëlle Duchemin sur France Info, 5 février 2010).
[photo de Xavier Mathieu. © Taous]


Source AFP

Voir :
Six Contis devant la cour d'appel d'Amiens. Relaxe ? Pas vraiment


Un verdict d'apaisement ?


Bien sûr, il n'y aurait pas dû avoir de poursuites et certes, on peut estimer que 2 000 à 4 000 euros d'amende, c'est encore un peu chère payé pour un simple mouvement de colère qui passe pour légitime dans un conflit social aussi dure. Ce que ne s'est pas privé de faire la CGT dans un communiqué le 5 février 2010 (« Après l'appel, les pouvoirs publics doivent abandonner toutes poursuites »).

Mais
le verdict apparait comme plus « équitable » qu'en première instance où les six Conti avaient écopé de peines de prison, même si elles étaient assorties de sursis.
L
a teneur des débats du procès en appel à Amiens avaient laissé penser, à juste titre, que l'on se dirigeait vers l'apaisement. Certains observateurs avaient noté le changement de stratégie de la défense des Conti. Ainsi, le procès en appel avait mis face à face des Conti moins revendicatifs (mais qu'aurions nous fait à leur place ?) et un président, Pierre Foucart, et un avocat général, Pierre Avignon, plutôt compréhensifs et paternalistes. S'il y a un élément à retenir c'est l'allègement des peines prononcées par la cour d'appel d'Amiens, qui a été, en droit, au plus près possible de la relaxe.
Les juges de la cour d'appel d'Amiens, à leur manière, ont donné tort à l'Etat et c'est bien celui-ci qui sort perdant de cette affaire et qui s'est déjugé. Se vengera-t-il au moment du procès civil en frappant encore plus durement au porte-monnaie ?


un ouvrier de Continental à Clairoix dans l'OiseBientôt le procès civil

Désormais, une autre manche va s'engager. En effet, il faut rappeler qu'après le procès pénal va se tenir le procès civil. Procès au cours duquel le juge demandera des comptes aux six Conti pour les dégradations de la sous-préfecture et fixer, ou non, des dommages-intérêts dont ils devront s'acquitter. L'Etat qui est partie civile va chiffrer les dégâts et présenter la note au moment du procès.

Ce deuxième acte sera un véritable test politique pour connaître la direction que souhaitent adopter les pouvoirs publics… la guerre ou la paix.
Car, le juge, au civil, s'en tient aux « faits avérés » et à la facture; bien entendu si, dans le cas présent, les pouvoirs publics poursuivent toujours au civil.
Soulignons que ce procès en appel à Amiens avait suspendu le procès civil que le tribunal de Compiègne avait fixé au 4 novembre 2009. Les pouvoirs publics n'ont a ce jour pas changé de ligne.
Perspective d'un autre procès à laquelle Xavier Mathieu a déjà répondu : « Qu'on nous foute la paix maintenant et que le gouvernement n'insiste pas. »


Le comité de lutte Continental (Continentalweb) qui avait fait un appel aux dons et à la solidarité aurait récolté environ 64 000 euros. L'appel aux dons faisait suite à la volonté de l'Etat de se porter partie civile et faire payer les dommages occasionnés à la sous-préfecture à hauteur de 63 000 euros, montant estimé « a minima », selon la sous-préfète de Compiègne Sabrina Belkhiri-Fadel.


On relève sur cette facture des détails assez surréalistes comme ce buste de Marianne, brisé — et par parenthèse fort laid — d'une valeur de 388 euros, quand il y en a de superbes sur eBay pour quelques dizaines d'euros.


On en conclu qu'aujourd'hui, en France, il vaut mieux être un hooligan, protégé par les intérêts du « sport business », qu'un ouvrier qui demande justice.

bureau saccagé de la sous-préfecture de CompiègneSous-préfecture de Compiègne: une réaction à vif des Conti

Le 21 avril 2009, les Conti occupent la sous-préfecture de Compiègne. Leur leader, le délégué CGT Xavier Mathieu, apprend en direct devant les caméras de télévision, que le tribunal de Sarreguemines déboute l'intersyndicale de sa demande de suspension ou d'annulation du plan social pour délit d'entrave. Ce qui par conséquent ouvre la porte au licenciement de 1 120 salariés. L'équipementier allemand Continental n'aura eu, lui, aucun comptes à rendre ni à la justice, ni au pouvoirs publics. Alors que la fermeture de l'usine de Clairoix, pour des raisons de baisse production, crise oblige selon la direction de Continental, n'a été qu'une délocalisation déguisée. Continental s'est transporté en Roumanie.
La nouvelle agit comme un détonateur. Quelques syndicalistes autour de Xavier Mathieu bousculent alors quelques meubles, un ordinateur; une fenêtre est cassée, des papiers éparpillés… [voir photo ci-contre]

Sur la foi d'un reportage de TF1, qui n'a pas flouté le visage des syndicalistes à l'intérieur de la sous-préfecture de Compiègne, six personnes sont identifiées et comparaissent d'abord au tribunal
de Compiègne, puis en appel à Amiens, où c'est joué ce 5 février 2010 l'épilogue judiciaire d'une affaire qui n'aurait dû connaître qu'un traitement politique et social.

Mais ce procès des Conti est symptomatique d'un climat social que le gouvernement, fantomatique, englouti corps et bien par la crise économique, se montre incapable de gérer. Un gouvernement, qui, par le biais d'une judiciarisation accrue, ne sait plus répondre aux demandes sociales que par la politique du « gros bâton ».


Sur le rôle de TF1 dans ce procès :
Continental : TF1 auxiliaire de justice dans les échaufourrées de la sous-préfecture de Compiègne

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