17/12/2009

roulette de casino, qui veut gagner des millionsPresse en crise. Qui ramassera la mise ?

Revenus publicitaires
en chute libre, lectorat aux abonnés absents, business model introuvable (?), timidité dans l'innovation, plans de départs et de licenciements, des dizaines de titres qui disparaissent, sans compter les fermetures de sites sur le Web. Presses papier et online subissent de plein fouet la dépression économique. Mais au bout du compte, les empires du secteur, en pleine restructuration, pourraient bien, à terme, ramasser la mise… s'il reste quelques choses à ramasser. Quelques pièces du dossier d'un monde en mutation.

Une période fatidique pour les médias

Dans un billet précédent, nous pointions, en cette fin 2009, la triste séquence qui affecte les pure players français et étrangers d'info et la disparition de certains comme soitu.es.
Toutefois, en paraphrasant La Fontaine, si la crise frappe l'ensemble des médias, tous ne meurent pas… ou pas encore.

En effet, dans ce contexte tendu, avec des perspectives de croissance générale atone
le siège du groupe italien Mondadori, près de Milanpour 2010 (officiellement +0,75 %) les grands groupes plurimédias et/ou multimédias, à l'inverse des pure players, détiennent encore les moyens économiques de temporiser. C'est, en tout état de cause, ce qu'ils essayent de faire. Avec comme outil utile, les licenciements. Ceux-ci jouent à plein leur rôle de variable d'ajustement.

A cet égard le groupe italien Mondadori (ci-dessus, son siège près de Milan), dirigé par Marina Berlusconi — la fille du président du conseil italien — offre un bon exemple.
La famille Berlusconi via sa holding Fininvest contrôle 50 % du groupe Mondadori.

Après deux années difficiles (2008-2009), avec des bénéfices en berne (pour les neuf premiers mois de 2009 -54 %) le recul des investissements publicitaires… Mondadori prévoit de diminuer ses effectifs en Italie de 21%. L'objectif est la suppression d'environ 600 postes d'ici à la fin de 2011.

couverture du magazine GraziaLa France n'est pas épargnée. En effet, Mondadori France, qui gère une trentaine de titres, restructure, depuis au moins 2008, en supprimant tous ses titres dit de « niche ». Le groupe après s'être débarrassé, au cours des deux premiers trimestres de 2009 de quatre titres, a annoncé, en novembre, la fin de FHM et La Revue du son et du home cinema, c'est-à-dire une suppression cumulée de 35 postes (source Stratégies). Et cela, bien que le lancement dans l'hexagone de son hebdomadaire Grazia soit un succès. Avec une diffusion entre 180 000 et 200 000 exemplaires par semaine en moyenne (selon un communiqué du groupe italien) et des recettes publicitaires supérieures aux attentes — 33 pages de publicité pour un objectif initial de 20 pages par numéro (Source Stratégies) — Grazia a donc réussi pour l'instant son implantation en France. Mondadori France souhaite désormais se recentrer sur les « formules gagnantes ».

Série noire USA
couverture des magazines américains Mediaweek, Backstage, Billboard, Film Journal International et The Hollywood Reporter
Des titres qui disparaissent d'un trait de plume sur des bilans comptables (parmi ceux-ci beaucoup de journaux régionaux américains Rocky Mountain News à Denver, Seattle Post-Intelligencer de la Hearst Corporation…), des groupes autrefois solides comme Tribune Company qui édite, entre autres, le Los Angeles Times et The Chicago Tribune a dû, fin 2008, se mettre sous la protection de la loi sur les faillites avec une dette s'élevant à 13 milliards de dollars (en novembre 2009, la société demandait au tribunal un sursis, n'étant toujours pas sorti du rouge), les problèmes récurrents de l'illustre Boston Globe, qui a lancé en novembre 2009, une nouvelle offre en ligne : Bostonglobereader.

Les faire-part de décès s'accumulent pour la presse papier des Etats-Unis, pays où une longue et prestigieuse tradition journalistique est ancrée. Et il faut bien remarquer que tout un monde disparaît sous nos yeux, celui de la presse des XIXe et XXe siècles. En effet, la majeure partie de ces journaux américains qui ferment est née, il y a plus d'un siècle.

Et puis symbolique, toujours des Etats-Unis,
la nouvelle nous parvient que le groupe Nielsen Business Media a conclu un deal avec e5 Global Media, dont James Finkielstein devrait prendre la présidence début 2010. Cette nouvelle entité sera constituée conjointement par les fonds d'investissement Pluribus Capital Management et Guggenheim Partners. Ce dernier gère des actifs sous supervision s'élevant à 100 milliards de dollars. Nielsen cède, à cette occasion, quelques-uns de ses fleurons de la presse de divertissement et de business pub : Adweek, Brandweek, Mediaweek, Backstage, Billboard, Film Journal International et The Hollywood Reporter.

couverture du magazine américain Editor and PlublisherQuant à Kirkus Reviews, revue centrée sur les livres, fondée en 1933 et Editor and Publisher (édition papier et site Internet), journal de référence pour les professionnels de la presse et de l'édition, qui ne faisaient pas partie du paquet cadeaux (« cadeaux » à 70 millions de dollars, si l'on en croit certains journaux) ils ferment purement et simplement. Editor and Plublisher disparaît après 125 ans d'existence. Autant dire que des titres de presse aux mains d'un hedge fund, cela n'augure rien de bon. D'ailleurs la stratégie déclarée de e5 Global Media est d'inscrire ces titres, qui sont autant de marques reconnues et leader dans leur domaine, dans une offre diversifiée et globale.

Car le deal comprend aussi l'achat de the Film Expo business (ShoWest, ShowEast, CineAsia, et Cinema Expo International), société qui regroupe parmi les plus prestigieux et importants congrès, marchés et salons professionnels autour du business du cinéma aux Etats-Unis et en Asie (pour la distribution des films américains sur le marché asiatique). En Asie,
Guggenheim Partners est présent à Singapour, Hong-Kong et Mumbai.
Les contenus des différents journaux seront mutualisés avec la mise en place d'une plate-forme commune et rendus payants sur le net. e5 Global Media Print parie sur le développement digital, mobile et « évènements ».
e5 Global Media possède maintenant les principaux journaux d'entertainment américain (production d'infos et de contenus) et les débouchés commerciaux pour le même segment. La boucle est bouclée.


La convergence, un gros mot ?

D'autres, moins ambitieux, ou à plus faibles capitaux, se tournent vers la convergence. Est-ce un gros mot ? En tout cas c'est tendance dans la presse. Une réponse à la crise ? Si la question n'est pas récente, pour de nombreuses entreprises de presse, en effet, une des solutions passe par la convergence. C'est-à-dire la fusion des rédactions papier et Web afin d'établir des passerelles entre les deux modes de communication mais aussi comme solution attrape-pub… et comme allègement de la masse salariale.

Depuis plusieurs années, aux Etats-Unis, des poids lourds du secteur l'ont entreprise (Los Angeles Times, New York Times). En cette fin 2009, c'est au tour des rédactions du Washington Post de converger. En 2005, on se souvient des bisbilles entre les deux rédactions papier et web du Post. Le mouvement ne fait que s'accélérer.

En France aussi ça fusionne. Les Echos voient converger ses rédactions papier et Web après que la direction et les syndicats ont trouvé un accord. Désormais, les journalistes travailleront indifféremment pour tous les supports, avec une reconnaissance du droit d'auteur. C'est l'aboutissement d'une restructuration qui avait débuté en novembre 2008 et qui selon Nicolas Beytout (Pdg de DI group, pôle média de LVMH) devait s'inscrire dans un plan de développement avec pour objectif une croissance de 50 %. On voit ce qu'il en est un an plus tard.

Ironie de l'histoire: dans le même temps, le propriétaire des Echos, Bernard Arnault (LVMH) mandatait la banque Nomura pour vendre le titre, au plus tard dans un an et demi. Même si dans la foulée, un des porte-parole du groupe a démenti l'information.

De fait, les syndicats, comme le SNJ, qui se félicitaient de l'accord, risquent de déchanter avant peu. De nouveaux licenciements devraient intervenir dès 2010.


La convergence, est-elle la panacée ?

Pas sûr répondent les journalistes américains. Des objections apparaissent au sein des rédactions. Car la convergence suppose le rapprochement de deux prés carrés, avec le retour de l'ancestrale querelle des « anciens » et des « modernes ». Les « anciens », venus du papier et fidèles aux techniques journalistiques qui lui sont inhérentes, ne sont pas prêts à abandonner leurs prérogatives aux « modernes», qu'ils ont tendance à considérer, avec condescendance, à peu de chose près comme des techniciens. Les choses évidemment ne sont pas si simples, mais c'est le choc des cultures.

Il faut lire l'excellente enquête de Joe Strupp sur la fusion des rédactions papier et digital sur le site d'Editor and Publisher. « When Will a Web Editor Lead a Major Newsroom? »
On y apprend par exemple que les deux responsables du site Web du Washington Post, Jim Brady et Ju-Don Roberton ont quitté successivement leur fonction car ils considéraient que la convergence des rédactions entraverait la ligne éditoriale et l'innovation sur le Web. Car au fond la question qui parcoure l'article est : « So who has authority ? » Et il ne s'agit pas que d'une question d'ego, mais simplement de savoir comment on veut exercer son métier de journaliste.
Cory Tolbert Haik, rédactrice adjointe à seattletimes.com
Dans le même article d'Editor and Publisher, Cory Tolbert Haik (ci-contre), rédactrice en chef adjointe à SeattleTimes.com, précise amusée, mais pas tant que ça :
« J'ai obtenu une place à la table […] mais la question reste toujours "Qui conduit le bus ? " Ce qui prime c'est le point de vue du print. La conférence de rédaction tourne toujours autour de ce que l'on va imprimer et quelles seront les infos que l'on va diffuser le lendemain dans la version papier. Le site vient en deuxième position, voire en troisième. »
Mais le point de vue des rédacteurs venus du papier trouve aussi sa place dans l'enquête d'Editor and Publisher. Comme celui de Jonathan Landman, qui a supervisé la convergence au sein du New York Times, et qui déclare en substance que le Web est encore est un médium jeune et qu'il aurait été difficile de trouver quelqu'un, venu du Web, assez apte pour diriger le New York Times.

L'artillerie lourde des groupes multimédias

Qui ramassera la mise ? Personne ne peut le prophétiser. Mais tout le monde veut sa part.
Les groupes médias sortent donc l'artillerie lourde, avec des combinaisons financières et des
jetons de casino pour les gagnants réorganisations propres à laminer les indépendants du Net : convergence papier-Web et regroupement des rédactions, convergence nécessaire pour servir les plateformes numériques plurimédias… Acquisitions dans des secteurs complémentaires, avec de formidables moyens pour arroser tous azimuts (mobile, TV, bientôt Kindle et autres Plastic Logic…) et attirer les compétences.

On ne voit pas comment, dans ce contexte, les pure players de l'information pourraient résister.
Un précédent : se souvient-on encore de ce qu'il est advenu de l'espoir qu'avait fait naître l'ouverture des ondes par François Mittterand. L'espoir que cela avait suscité pour certains de pouvoir informer et divertir autrement ? Nada. C'était au siècle dernier, il n'y a pas si longtemps, juste au début de 1980.


Car, si l'offre accrue de services, sur des terminaux de plus en plus différenciés, paraît être une voie d'avenir, il faudra bien alimenter tous les terminaux et autres plateformes numériques en plein développement. Ou bien l'intérêt des groupes se portera ailleurs, ailleurs que sur l'information et les contenus, et serons-nous alors condamner à lire des dépêches à flux tendu, ou du contenu sémantiquement vide mais optimisé pour le référencement ? En somme, une info délivrée sans décryptage, sans mise en perspective, pour un lectorat déjà conditionné par les gratuits distribués dans le métro ou la rue.


La crise, une « divine surprise » ?

Au fond, il se pourrait que cette dépression économique soit une « divine surprise » pour certains patrons de groupe média. Car l'impression générale qui se dégage, au moins à court terme, est que cette dépression, qui touche non seulement la presse et l'information en général, mais aussi et surtout l'ensemble de la société, offre aux groupes de presse, et devrait-on dire, plus largement, à tous les secteurs de l'économie, l'opportunité de restructurer à « moindres frais » et de faire le ménage. Occasion en or d'éliminer, par exemple, les titres peu ou pas rentables, licencier les journalistes sans que personne ne se mobilise ou réagisse, imposer de nouvelles manières de travailler (encore un peu plus de flexibilité, « tous Mojo »)… Et finalement de décider la mort du papier, car la rentabilité passe désormais par d'autres tuyaux et par la dématérialisation.

une montagne de dollars
Fort heureusement, ou malheureusement, beaucoup de patrons de presse, mais aussi des politiciens, des hommes d'affaires, des publicitaires n'ont pas encore tout à fait bien compris le monde digital dans lequel nous sommes entrés.
Ils s'ingénient à penser les questions en fonction des anciens mass média (TV, radio, journal papier…). D'où cette détestation exprimée de façon caricaturale par Jacques Séguéla : « Le Net est la plus grande saloperie qu'aient jamais inventée les hommes.» Le pépé de la pub nous fait une « vieillesse nerveuse », comme aurait dit feu Matthieu Galais.


Cela laisse encore un peu de temps pour les contrer, eux qui veulent imposer des règles obsolètes à un monde qu'ils ne comprennent pas, sinon par la lorgnette de leurs intérêts immédiats. Comme d'ailleurs à chaque fois qu'il y a eu une révolution technique et des nouveaux modes d'expression.


Le mot de la fin à l'« Oracle d'Omaha »

Warren Buffet en couverture du magazine FortuneEn mai 2009, celui que l'on surnomme l'« Oracle d'Omaha », et accessoirement une des deux premières fortunes mondiales, Warren Buffet, actionnaire du Washington Post, et homme qui se piquait d'aimer la presse, prophétisait des pertes sans fin pour la presse américaine, pour laquelle, pensait-il, du point de vue économique, il n'y avait que des questions sans réponse.
Thank you Mister Buffet.

07/12/2009

fermeture de soitu.es, site d'information en ligne espagnolLe site espagnol, Soitu, passe du sommet au gouffre

Soitu.es recevait, le 3 octobre 2009, le prix du meilleur site d'information hors langue anglaise à San Francisco. Ce prix décerné par l'ONA (Online News Association), principale association américaine de journalistes en ligne, consacrait pour la deuxième année consécutive un pure player inventif qui avait su conjuguer qualité de l'information et participatif. Et puis le 27 octobre 2009, la nouvelle tombait : soitu.es cessait de diffuser.


Du zénith au nadir

Soitu.es — qui avait en un peu moins de deux ans, a réussi à créer une vraie communauté autour lui, jusqu'à un million et demi de visiteurs uniques par — n'est pas passé du zénith au nadir en quinze jours. La crise couvait depuis plusieurs mois sur fond de dépression économique mondiale.


La BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria), actionnaire de référence, à hauteur de 49 % — le reste étant détenu par les rédacteurs — et soutien du site depuis ses débuts en 2007, menaçait depuis le krach de l'été 2008 de quitter le navire. Ce qu'elle ne finit pas faire qu'au printemps 2009.
Restaient alors, à soitu.es, les revenus publicitaires (800 000 euros par an). Mais ceux-ci, vite insuffisants, placent le site en grande dépendance. Particulièrement, dans un climat marqué par l'effondrement des investissements publicitaires sur le Web. La direction du site se résout alors à licencier une quinzaine de salariés sur trente-huit. Mais les dés sont jetés et roulent… jusqu'à ce funeste 27 octobre 2009.


Précisons que la BBVA, fondée au Pays basque, loin d'être une petite banque de province, se classe comme le deuxième groupe bancaire d'Espagne et d'Amérique latine et le premier au Mexique via sa filiale Bancomer (source Wikipédia).

gumersindo lafuente, rédacteur en chef de soitu.esLes raisons de l'échec

Dans son dernier édito (repris dans la version online d'El Pais), le jour de la fermeture de soitu.es (27 octobre 2009), Gumersindo Lafuente (ci-contre), son rédacteur en chef, ancien patron de la rédaction du site du quotidien madrilène El Mundo et figure du journalisme ibérique, revient, en forme de mea culpa, sur ce qui a achoppé, en particulier avec son bailleur de fonds, BBVA : « Nous avons eu, dès le départ, le soutien de notre actionnaire de référence, BBVA, sans qui ce rêve n'eût pas été possible. Puis il ajoute, or nous n'avons pas su, dans les derniers mois, convaincre notre partenaire que les projets qui naissent dans un secteur immature et en pleine croissance nécessitent en période de turbulence, de la patience pour trouver leur place.»

Il aura donc manqué du temps à Soitu.es, pour s'imposer, et la capacité de convaincre les financiers qu'un des meilleurs sites d'info d'Espagne détenait à la fois le potentiel et les atouts humains et techniques pour réussir, pourvu qu'on lui en laisse le temps.

salle de rédaction de soitu.es
La rédaction
de Soitu.es





Le temps est une denrée hors de prix. Le monde de la finance, gouverné par une avidité entropique, ignore le mot « patience ». Le retour sur investissement doit être à deux chiffres et quasi-immédiat. « Time is money » n'est pas qu'un poncif du globish pour grands débutants. Dans le monde digital, à l'instar de celui des « atomes », une marque — a fortiori pour des sites d'information —, si elle n'existe pas préalablement, doit bénéficier de temps pour s'imposer. Même si les avis divergent quant à la durée, trois à quatre années paraissent le minimum.


Pure players en voie d'asphyxie ?

Soitu.es est un cas exemplaire de pure player qui, pour ne pas avoir mené une politique de diversification — mais en a-t-il eu le temps ? — s'est retrouvé prisonnier d'une seule source de revenu, la publicité. Publicité à la fois en voie de raréfaction, crise oblige, mais aussi soumise à l'attentisme et au manque d'imagination des publicitaires tétanisés sur des campagnes display inadaptées.

Partout les pure players recherchent des solutions, institutionnelles et/ou individuelles. Ainsi en octobre 2009, anticipant le décret d'application d'une disposition de la loi Hadopi reconnaissant, enfin, le statut d'éditeur en ligne, les principaux représentants des pure players français (Arrêt sur images, Bakchich, Indigo Publications, Mediapart, Rue89, Slate.fr et Terra Eco), rejoints depuis par une trentaine de sites, se sont regroupés au sein du Spiil (Syndicat de la presse indépendante en ligne) afin de faire valoir les droits des pure players auprès de la CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse) comme tous les autres organes de presse.

L'action du Spiil porte, en particulier, sur la reconnaissance professionnelle des journalistes qui travaillent sur le net et sur les avantages juridiques et économiques dont devraient bénéficier les éditeurs de presse en ligne (
par exemple la baisse de la TVA de 19,6 à 2,1 comme pour la presse papier).
Et puis, en ligne de mire, la cagnotte de vingt millions d'euros qui doit être attribuée, sur trois ans, au titre de l'aide publique à la presse en ligne. Autant dire que tous les éditeurs fourbissent leurs armes.

Sur le plan individuel, des sites explorent des pistes. Par exemple Rue89, partenaire dès l'origine de Soitu.es, recherche comme beaucoup un modèle économique viable en se diversifiant (et en recapitalisant) : produire et fournir du contenu payant, concevoir des sites web et vendre son expertise, développer des partenariats (exemple avec Quebec89).
Mais le site reste économiquement
fragile et n'atteint pas encore le point d'équilibre, tout comme la majeure partie de ses confrères.

Le cas français. Une sombre fin d'année 2009

En cette fin 2009, qu'a-t-on appris ?

Le 2 novembre, Carlo Revelli, un des fondateurs d'Agoravox lançait un appel aux dons sous peine de devoir fermer le portail d'informations participatif et citoyen.
la une du n° 11 de bakchich hebdo
Le 9 novembre, après l'échec (vente de 12 à 15 000 exemplaires, au lieu des 25 000 prévus, pour un tirage de 35 à 40 000 exemplaires [1]) de son journal papier, Bakchich Hebdo, lancé en septembre 2009 (la Une du n°11 de décembre 2009, ci-contre), le site Bakchich se déclarait auprès du tribunal de commerce de Paris en cessation de paiement. Le tribunal de commerce plaçait la société en redressement judiciaire. Le premier trimestre 2010 pourrait être décisif pour Bakchich, qui compte sur de nouveaux investisseurs et l'aide des lecteurs (création du Club des amis de Bakchich, avec pour marraine la comédienne Isabelle Adjani) et un seuil à atteindre de 15 000 exemplaires pour Bakchich Hebdo. De quoi tenir jusqu'à l'éventuelle aide de l'Etat.
[1. Chiffres de diffusion difficiles à vérifier, tant ils changent d'une source à l'autre.]

Début décembre, on apprenait que lepost.fr, appartenant au groupe Le Monde était à vendre. Les rumeurs qui circulent évoquent quelques repreneurs déjà sur les rangs : Pierre Chappaz (Wikio), Pierre Bergé (le patron myopathe en colère) associé à Jacques Rosselin (Vendredi) et Rentabiliweb (le fiasco de la distribution d'argent sur les Champs-Elysées).


A méditer la conclusion du billet-hommage à Soitu.es de Pierre Haski sur Rue89 :
« Dans le même temps, les nouveaux médias Internet expérimentent différents modèles économiques dans un secteur où il n'en existe aucun ayant fait ses preuves et dans un contexte de récession. La mort de Soitu.es montre que tous ne réussiront pas, même si Internet incarne l'avenir de l'information. »

un logo de soitu.esUn signal inquiétant pour les innovateurs

Soitu.es n'a pas démérité. Mais l'inquiétude naît du fait que ce site de qualité, fondé sur un concept séduisant, « l'intelligence collective », conçu et animé par des professionnels, à la créativité reconnue par ses pairs et les infonautes au-delà de ses frontières, reconnu comme un des meilleurs d'Espagne, voire du monde, soit ainsi balayé.
Mauvais signal envoyé à ceux qui voudraient faire preuve d'innovation aussi bien technique qu'éditorial et rester dans la course.


Pas de larmes mais du rhum et de la vodka

E
nfin, dans l'édition en ligne d'El Pais du 27 novembre 2009, Delia Martinez, dans un billet titré « RIP Soitu.es, un funeral festivo » nous rassurait sur l'ambiance : « Pas de pleurs, pas de larmes, juste des gâteaux, des paquets de cacahouètes et des chips, du bon rhum et de la vodka. »

Donc pas de tristesse. D'ailleurs, on annonce la naissance de deux nouveaux sites espagnols : Factual et FronteraD.

Les animateurs du site font preuve pour leur départ du même humour que pour le lancement du site.

Leur vidéo d'adieu ci-dessous : « Españoles, soitu ha morto ».



Lire aussi : Rue89 finaliste des Awards du journalisme Web à San Francisco
Rue89 battu par Soitu.es aux Awards de la presse online à San Francisco
soitu.es dit adieu à ses lecteurs