23/02/2010

USS Normandy, navire de la IVe Flotte des Etats-UnisBruits de bottes et de flotte
en Amérique latine


Une situation politique et sociale vénézuelienne en surchauffe; avec une lutte sans merci entre le gouvernement d'Hugo Chavez et l'opposition pour la maîtrise des médias. Un contexte régional (Amérique latine/Caraïbes) de plus en plus tendu.
Bruit de bottes, avec Washington qui resserre son étau militaire sur la république bolivarienne avec l'aide de son alliée, la Colombie d'Alvaro Uribe.
Bruit de la IVe Flotte états-unienne, sur l'autre flanc, dans la mer des Caraïbes et le long des côtes vénézuéliennes et latino-américaines.
Appétit exacerbé des grands pétroliers mondiaux par les promesses des gisements de la ceinture de l'Orénoque.

Voilà de quoi rendre le président Hugo Chavez vigilant, tout autant qu'urticant. Car il joue une partie géopolitique serrée face à des adversaires puissants.


Hugo Chavez voit rouge

dessin humoristique de Hugo Chavez tordant le cou à l'aigle américainAprès avoir été un peu délaissé, par l'administration Bush — tout à sa traque du terrorisme islamiste, à ses guerres en Irak, en Afghanistan et à son remodelage du grand Moyen-Orient — le continent latino-américain, considéré par les Etats-Unis, depuis Monroe comme son « arrière-cour », réapparaît avec plus d'intensité, depuis deux à trois ans, sur les écrans radar de Washington. Dès lors, les événements ne font que s'amplifier.

Hugo Chavez, par son programme de révolution politique bolivarienne, par son activisme, par ses déclarations et ses provocations, mais aussi par sa personnalité, joue le rôle d'épouvantail auprès de Washington et de ses alliés. Mais il ne faut surtout pas négliger le fait qu'il est à la tête d'un pays dont le sous-sol recèle des réserves d'hydrocarbures phénoménales : la ceinture de l'Orénoque. Selon des estimations de la
PDVSA (Petróleos de Venezuela SA), la compagnie nationale, les gisements équivaudraient à 235 milliards de baril de brut. En 2007, 100 milliards de barils de brut étaient certifiés. La certification devait s'achever en 2009. Le Venezuela deviendrait, au moins potentiellement et du point de vue de ses réserves, le premier producteur de pétrole mondial. Aujourd'hui, il occupe la 9e position avec une production d'environ 2 millions et demi de bpj. Nous reviendrons sur cette question dans un prochain billet.

La détérioration des relations entre le Venezuela et la Colombie est l'illustration de la tension qui règne dans la région. Nous pourrions même parler, dans ce cas précis, d'escalade, jusqu'à cet épisode de Cancún, qui a opposé les deux chefs d'état, pour l'instant verbalement. Nous allons y revenir plus loin.

En juillet 2009, Le Venezuela avait gelé ses relations diplomatiques avec la Colombie, menaçant d'aller jusqu'à l'embargo économique si
Bogota continuait de l'incriminer, entre autres choses, dans une quelconque aide aux FARC. Embargo commercial devenu peu après effectif et qui sera dénoncé par Bogota en novembre 2009. Le Venezuela déplaçant ses échanges commerciaux vers le Brésil de Luiz Inacio Lulla da Silva, accusé à cette occasion par la Colombie de « manquer de solidarité ».

Autre motif et pas des moindres.
Toujours dans cette même période, en
août 2009, les Etats-Unis ont conclu un accord de coopération militaire avec la Colombie du président Alvaro Uribe — soutien sans faille dans la région de la politique américaine. Cet accord renforce leur position car il permet aux forces états-uniennes de disposer de sept nouvelles bases (Apiay, Cartagena, Larandia, Malaga, Malambo, Palenquero, Tolemaida; certaines étant des bases des forces spéciales colombiennes) sur le territoire colombien, officiellement pour lutter contre les narcotrafiquants.
Plus certainement inspirées — car toujours d'actualité — de ce qu'écrivait Nicholas Spykman (figure de la géostratégie états-unienne et mondiale, et l'un des inspirateurs de la politique américaine de l'« endiguement », containement), en 1944, dans The Geography of the Peace : « La puissance aérienne, ce n'est pas simplement des avions, mais des avions plus des bases. » (cit. Hervé Couteau-Begarie).

Mais, après cette signature, le président colombien, Alvaro Uribe, semble plus que jamais isolé.
La tournée diplomatique entreprise afin d'expliquer sa politique aux pays voisins, n'a pas convaincu. Les chefs d'état visités n'ont, semble-t-il, pas été dupes de ses arguments. D'autant que le Panama du conservateur Ricardo Martinelli va laisser s'implanter quatre nouvelles bases américaines sur son territoire.

La rancune éclate à Cancún

Cette grenade dégoupillée, les relations Colombie/Venezuela, a roulé jusqu'au sommet de Cancún (Mexique) qui réunissait, du 21 au 23 février 2010, vingt-cinq chefs d'état d'Amérique latine et des Caraïbes — « le groupe de Rio » — et qui devrait déboucher sur la création de la Comunidad de Estados Latinoamericanos y Caribeños (Communauté des états latino-américains et Caraïbes), donc sans les Etats-Unis et le Canada comme dans l'OEA (ou OAS en anglais) Organisation des Etats américains.

Lors de ce sommet, Hugo Chavez a vu rouge.
Il a eu eu une violente altercation avec le président Alvaro Uribe, le 22 février 2010, dans une réunion privée mais devant témoins, et qui a fait la Une des journaux du monde entier instantanément.

Altercation, qui, au-delà de l'anecdote, si plaisante aux médias avides de « buzz », souligne bien la tension qui existe entre les deux états. Et, dans l'ordre de l'anecdote, fait suite au twitte imbécile du chanteur colombien Juanes, que nous signalons, à notre corps défendant, pour souligner à dessein, comment petit à petit, habilement, monter un peuple contre un autre et réveiller des antagonismes nationaux sans rapport avec les intérêts réels des uns et des autres.
La question se pose : A qui profite le crime ?


Bruit de la IVe flotte


le contre-amiral Victor Guillery, commandant en chef de la IVe Flotte des Etats-UnisDéjà, en avril 2008, la renaissance de la IVe Flotte, qui avait disparu depuis 1948, est ressentie par de nombreux pays d'Amérique latine comme une agression. En effet, La IVe Flotte a pour mission de surveiller et de contrôler la côte atlantique, non seulement de l'Amérique latine, mais aussi la mer des Caraïbes.

Auparavant, la zone dépendait de la seule IIe Flotte, chargée de l'Atlantique. La IVe Flotte,
basée à Mayport en Floride, est commandée, ainsi que l'US Naval Forces Southern Command, depuis juin 2009, par le contre-amiral Victor Guillory (photo ci-contre) et s'impose comme le nouveau gendarme maritime de la région.

A l'occasion de cette résurgence d'une flotte disparue depuis soixante ans, le contre-amiral James W. Stevenson, alors commandant des forces navales américaines pour la région sud (2008), déclarait, sibyllin et menaçant : « Cela envoie le bon signal, même à ceux qui comme vous le savez, ne sont pas forcément nos plus grands supporters ».

Le président brésilien, Luiz Inacio Lulla da Silva s'était ému du retour de cette IVe Flotte, en
avertissant qu'il ne souhaitait pas voir la Flotte états-unienne croiser aux abords des nouvelles zones pétrolifères. La marine brésilienne pouvait s'en charger. Car le Brésil venait de découvrir (2007) de gigantesques gisements de pétrole au large de ses côte, au sud et sud-est. Petrobas, la compagnie nationale estimait les gisements off-shore de Tupi (baie de Santos) entre 5 et 8 milliards de barils. Ils ont pu être exploité finalement en 2009, en tenant leur promesse. Depuis, d'autres gisements on été découverts au large, dans la même zone maritime.

Depuis, la présence états-unienne ne fait que s'intensifier.

Certains observateurs, comme Ignacio Ramonet (directeur de l'édition espagnole du Monde diplomatique), spécialiste des questions latino-américaines et plutôt pro-Chavez, trouvent que tout cela ressemble fort à un encerclement du Venezuela par les forces américaines. Ignacio Ramonet, lui, va jusqu'à craindre une intervention militaire prochaine. « Le Venezuela encerclé ».

Car, au-delà de toutes ces péripéties, nous avons affaire à une vraie crise régionale. Elle a donné naissance à un axe diplomatique qui réunit des membres de l'Alba (
Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) : la Bolivie d'Evo Morales, l'Equateur de Rafael Correa, mais aussi le Brésil de Luiz Inacio Lula da Silva, qui n'y a pas adhéré et qui demande à Barack Obama des garanties juridiques quant à l'emploi des bases colombiennes. Oui à la lutte contre les narcotrafiquants, mais non à un conflit régional serait le message brésilien.

Un exemple, parmi d'autres, des tensions locales, la question de la base Manta en Equateur.
Sa fermeture, en juillet 2009, à la suite du non-renouvellement du bail (de 10 ans) aux Etats-Unis, par les autorités équatoriennes, a été entériné à la suite — en terme diplomatique nous appellerions cela un « incident de frontière », mais cela ressemble plus à une violation de souveraineté territoriale : en février 2008, l'aviation colombienne avait bombardé un camp des FARC, situé sur le territoire équatorien. En outre, la base Manta, cédée aux Etats-Unis en 1999, et qui devait servir officiellement à la lutte antinarco, était considérée comme une base arrière logistique pour soutenir la Colombie dans sa lutte contre la guérilla des FARC.

Au sujet de la base Manta, écoutez ce que déclarait Larry Birns, directeur du Council of Hemispherical Affairs, interrogé par Sylvain Biville sur RFI (17 juillet 2009)

Lire : « Les bases US en Colombie ». Lamia Oualalou. Le Figaro. Août 2009.

Sur Russia Today (août 2009), interview d'Eva Golinger sur la présence accrue
des troupes états-uniennes
en Colombie et sur l'interprétation qu'en fait le Venezuela de Hugo Chavez.
(En anglais)




Présence accrue de la IVe Flotte à Aruba et Curaçao


Eva GolingerPour parfaire le dispositif d'encerclement du Venezuela, selon l'avocate états-unienne et rédactrice en chef du nouveau Correo del Orinoco International, en anglais (inaccessible en ligne, sauf erreur de notre part, autrement que par PDF via venezuelanalysis.com, le numéro du Correo del Orinoco International du 19 février 2010) Eva Golinger (ci-contre), installée depuis 2005 à Caracas (sa famille avait émigré du Venezuela vers les Etats-Unis dans les années 1930) il y aurait un regain d'activité militaire, au nom d'un accord de coopération militaire, entre les Etats-Unis et les Pays-Bas, sur les bases navales d'Aruba et de Curaçao, îles des Antilles néerlandaises (Netherlands Antilles), donc tout près, si près du Venezuela (voir la carte ci-dessous et cliquer sur les pictos bleus). Aruba se situe environ à 28 km de la côte vénézuélienne, soit un peu plus de 17 miles ou un peu plus de 15 milles nautiques. Les deux îles disposent de ports en eaux profondes.

Eva Golinger a relevé que près d'une centaine de bâtiments de guerre avaient fait escale dans les deux îles au cours de l'année 2009.

Ces deux îles — Aruba et Curaçao auxquelles il faudrait ajouter l'île Bonaire — sont sous souveraineté des Pays-Bas et donc sous juridiction de la Communauté européenne. Aruba, par exemple, dans le cadre de la 10e FED
(fond d'investissement européen), portant sur la période 2008-2013, a reçu 8,88 millions d'euros (source : direction générale du développement et des relations avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Commission européenne). Les députés européens, soucieux des affaires internationales, seraient bien inspirés de demander des explications au ministre-président néerlandais Jan Peter Balkenende.


Haïti 51e état de l'Union ?

A la lumière de ces mouvements,
on peut interpréter différemment la présence militaire américaine à Haïti, à la suite du séisme du 12 janvier 2010. Plusieurs navires de la IVe Flotte, pour certains de gros tonnages (USS Normandy, en photo d'ouverture de ce billet, USS Bataan, USS Nasau, USS Bunker Hill, USS Carl Vinçon…), ont mouillé à Port-au-Prince pour apporter une aide humanitaire à la population haïtienne. Population qui a, bien entendu, grandement besoin d'aides. Mais était-ce le seul but ?

La Chine, quant à elle, avance une réponse. Dans Le Quotidien du peuple du 21 janvier 2010 — qui est l'organe de presse du Comité central du Parti communiste chinois, et à ce titre peut être considéré comme diffusant la parole officielle — Pékin considère que Haïti devient, de facto, le 51e état des Etats-Unis, ne serait-ce que par l'importance des moyens militaires déployés et par leur nature.


Un article de Time, « The U.S Military in Haiti : A Compassionate Invasion » (« une compatissante invasion »), se pose la question et analyse l'hypothèse, en remarquant que l'intervention américaine « avait l'intensité qui aurait prévalu si Haïti fut un état de l'Union ».
Sur cette question du 51st state, Robert Lustig pour BBC: « Haiti : the 51st state? »

Biblio:
Code Chavez, CIA contre Venezuela, Eva Golinger, Marco Pietteur éditeur, 2006.



18/02/2010

Hugo Chavez le 30 décembre 2009 au palais Miraflores de CaracasHugo Chavez : disparition de la vidéo témoin de la fausse information sur le séisme d'Haïti

Hugo Chavez tenait sa conférence annuelle sur la situation générale du Venezuela, le 30 décembre 2009… et puis un écran noir siglé Youtube. Cette vidéo mise en ligne le 25 janvier 2010, dans un billet, « Hugo Chavez et le séisme à Haïti : manipulation et polémique. Comment naît une rumeur », sur ce blog, démontrait que les images — privées de son —, diffusées par Russia Today, n'étaient que des images d'archive. Quant au commentaire de la journaliste russe, il n'était que pure invention. Il prêtait au président vénézuélien des accusations portant sur l'implication des Etats-Unis, qui, à l'aide d'armes sismiques, à la suite de manœuvre navale, auraient provoqué le tremblement de terre d'Haïti.

Or, cette semaine, cette vidéo a disparu de tous les sites et les blogs dont celui-ci (Harry Fandor) ainsi que sur le site latinreporters.com (« Haïti : Etats-Unis auteurs du séisme !? Chavez ne l'a pas dit, mais… »), site qui, par ses informations, nous avait mis sur la piste.
On constate partout le même phénomène. Plus rien, même en cherchant bien. Pour la simple et bonne raison que le fournisseur, Youtube, l'a fait disparaître.
Malveillance ? Complot ? Il est vrai que l'on devient vite sujet à la paranoïa avec ce qui se déroule parfois sur Internet.

Non, fausse alerte, rien que de très normal selon les règles de Youtube. Mais les prolongements politiques, voire géostratégiques, ne sont pas exclus de ce mini-événement, comme nous le verrons dans un autre billet.

En effet, après une rapide enquête, on constate que Youtube, qui ne serait, comme son nom l'indique, qu'un « tube » au sens français du terme, et au figuré, « un tuyau », a supprimé la vidéo.

Sur l'écran noir, nous pouvons lire « supprimer à la demande de l'utilisateur ». En l'occurrence, l'utilisateur n'est pas celui qui l'utilise — c'est-à-dire celui qui en fait usage — mais celui qui est à l'origine de la mise ligne. Ici, RCTV (Radio Caracas Televisión), une chaîne de télévision résolument anti-Chavez et propriété d'un riche homme d'affaire vénézuélien, Marcel Granier.

Première conséquence : la suppression de ces images nuit à la démonstration, à sa qualité, à son équilibre, puisque cette vidéo permettait, par sa juxtaposition avec les images de Russia Today, de révéler la supercherie. Une manipulation initiale certainement partit du journal conservateur espagnol ABC. Un bel exemple de fake.
Une image manque et tout redevient sujet à caution.
Pourquoi cette vidéo-ci ? Inutile de se perdre en conjecture.

Que l'on se rassure. La vidéo a été retrouvée sur Youtube — encore et toujours — par une mise en ligne de TVZL (Venezolana de television), la chaîne publique vénézuelienne. Le journal télévisé revient sur la conférence du 30 décembre 2009.

Lire à partir de 45 secondes et sporadiquement au long du sujet qui dure
10 min 30 et qui propose un commentaire sur les déclarations de Hugo Chavez. Pour les hispanophones.





logo de la chaîne RCTVLa guerre médiatique entre Hugo Chavez
et Marcel Granier

Ces deux-là se détestent et s'affrontent déjà depuis plusieurs années.

Dernière bataille en date, le 24 janvier 2010. RCTV disparaissait des écrans vénézuéliens à la suite des accusations de Diosdado Cabello, directeur général de la Conatel (commission nationale des télécommunications vénézuélienne) d'infraction à la législation du pays et de la loi de responsabilité sociale en radio et télévision (« Ley Resorte »).
En effet, une loi stipule que les chaînes nationales du Venezuela ont l'obligation de diffuser les discours et allocutions du président Hugo Chavez (disposition connue sous le vocable « cadenas »).
Ce que s'est refusé à faire RCTV. Car, RCTV émet depuis Miami, via le câble, et se considère comme une chaîne internationale. Caracas lui oppose que dans la mesure où, au moins 70 % de ses programmes hebdomadaires sont produits localement, elle peut être considérée par la loi comme une chaîne nationale.
Soulignons que RCTV s'est imposé,
de longue date, comme une chaîne populaire, ne serait-ce que par la diffusion de ses telenovelas (productions vendues dans près de cinquante pays).
Les cablo-opérateurs, eux-mêmes menacés de sanction par les autorités, l'ont donc retiré de leurs bouquets. Ce qui a instantanément entraîné des heurts violents entre pro et anti-chavistes dans les rues.

Avec RCTV, cinq autres chaînes de télévision ont subi le même sort : Ritmo Son, Momentum, America TV, American Network et TV Chile.
Mais, dès le début février 2010, elles retrouvaient leur autorisation d'émettre. Sans que l'interdiction ne soit levée pour RCTV. Les anti-chavistes crient à la censure.

Marcel Granier le patron d'empresas 1BCMarcel Granier (ci-contre) homme d'affaire puissant, à la tête d'un groupe de média et de communication, Empresas 1BC (chaînes de télévision, radios, label discographique, chaîne nationale d'une vingtaine de magasins de produits culturels, dvd et cd — Recordland ...) reste, et sa puissance et son opposition résolue à Hugo Chavez le désignent comme tel, dans la ligne de mire de Hugo Chavez.

Depuis au moins avril 2002, date du coup d'état anti-Chavez qui avait porté pour… 48 heures à la tête du Venezuela, Pedro Carmona, Hugo Chavez ne lâche plus Marcel Granier.

Il l'accuse d'avoir attiser les sentiments anti-chavez de la population, au moment de son renversement d'avril 2002, et surtout d'avoir joué un rôle prépondérant dans le putsch en diffusant des informations erronées et de s'être comporté de façon anticonstitutionnelle.
Hugo Chavez est de longue date en guerre contre les médias privés qu'il accuse d'incarner et de diffuser la vision de l'oligarchie vénézuélienne. Ainsi des trois autres chaînes : Globovisión, Televen, Venevisión.

De retour au pouvoir, après l'échec de son renversement, Hugo Chavez annonce qu'il ne renouvellera pas la licence
d'émettre par voie hertzienne de RCTV. Cette licence arrivait à échéance en mai 2007. Depuis la chaîne émettait sur le câble et continuait de marteler son anti-chavisme.
Quant à Marcel Granier, il ne lâche pas prise et se bat sur le terrain juridique. Il a redéposé un dossier afin d'exciper de la nature internationale de sa chaîne devant la Conatel et attend, par ailleurs, la décision de la chambre constitutionnel de la Cour suprême.

Voci le point de vue de Marcel Granier, interrogé dans Médias par Ben Ami Fihman. « Marcel Granier : "le patron de l'information s'appelle Hugo Chavez" » . Robert Ménard, directeur de la rédaction du journal et du site (revue-medias.com) après avoir été secrétaire général de Reporters sans Frontière, n'a jamais ménagé ses critiques sur la façon de gouverner de Hugo Chavez, tout comme il s'était toujours affirmé anti-Castro.

Parallèlement, Hugo Chavez diffuse sa parole à travers l'écrit « La l
ínea de Chávez », mais aussi d'émissions de radio comme « Aló Presidente » ou, depuis le début février 2010, « Repente con Chávez » (« Soudain avec Chavez »), qui pourrait, dans l'esprit, se traduire par une sorte de besoin de réagir à chaud, d'être éruptif. Le choix du titre de l'émission n'est donc pas anodin puisque Hugo Chavez réagit quand bon lui semble et imprime son rythme à l'émission.

Le putsch, y penser sans le dire, quoique…

Enfin, pour mieux comprendre l'enjeu de cette bataille, qui semble dépasser la question de censure/pas censure, il faut se placer dans le contexte vénézuélien actuel qui fait que, par exemple, Noel
Álvarez, à la tête de la Fedecámaras (la principale organisation patronale du pays) évoque, très calmement et très habilement, sur RCTV justement, le 21 janvier 2010, interrogé par Miguel Ángel Rodríguez, que la solution pour le Venezuela est la « solución militar » (« la solution militaire »). C'est-à-dire constituer un front (frente) contre l'hégémonie du gouvernement de Hugo Chavez. Mais cela se dit comme sans être vraiment dit. Comprendra qui le voudra les implications et les conséquences attendues dans un pays où un putsch est toujours possible.
Solution qui semble exciter le journaliste
Miguel Ángel Rodríguez qui ajoute — nous sommes à la fin de l'entretien — « solución militar, excelente ».
Depuis, Diosdado Cabello, ministre et directeur de la Conatel, a engagé des poursuites pénales contre le journaliste-vedette de RCTV, Miguel Ángel Rodríguez, « pour incitation au coup d'état ». Miguel Ángel Rodríguez se défend, par des contorsions, en invoquant une erreur d'interprétation, car il s'agissait, dans ses propos, d'engagement, non pas militaire mais civique, voire civil.

Noel Álvarez interviewé par Miguel Ángel Rodríguez pour RCTV.
Ecouter "solución militar" à environ 2 mn 14.






Lire la suite sur le contexte politique et diplomatique latino-américain de plus plus tendu par la présence accrue de l'armée états-unienne dans la région
. Avec, pourrions-nous dire, comme un parfum d'hydrocarbure. « Bruits de bottes et de flotte en Amérique latine »






05/02/2010

pneu en flamme pendant une manifestation des ouvriers de Continental à Clairoix dans l'OisePour les six Conti : juste des amendes a décidé la cour d'appel d'Amiens
Les juges de la cour d'appel d'Amiens, ce 5 février 2010, ont condamné les Conti à des peines d'amende, allant de 2 000 euros pour cinq d'entre eux, à 4 000 euros pour Xavier Mathieu, leur leader. Les six ex-salariés de Continental à Clairoix (Oise) comparaissaient en appel pour avoir « saccagé » la sous-préfecture de Compiègne, en avril 2009.

La cour d'appel n'a donc pas confirmé la condamnation en première instance, ni suivi les réquisitions en appel, le 13 janvier 2010, de l'avocat général Pierre Avignon, qui demandait de 2 à 5 mois de prison avec sursis, ou des peines de travaux d'intérêt général (TGI), ni la demande de l'avocate de la défense, Me Marie-Laure Dufresne-Castets, qui plaidait la relaxe pure et simple.
L'arrêt de la cour d'appel retient contre les Conti le « délit de dégradation de bien destiné à l'utilité publique ».


A la sortie du tribunal, Xavier Mathieu confiait à la presse, «
on considère ça comme une relaxe, on est heureux, soulagés
» […] « C’est la fierté de la classe ouvrière qui a été relaxée ». Il a aussi ironisé en faisant allusion à Nicolas Sarkozy (et à la fameuse menace vis-à-vis des « comploteurs » dans l'affaire Clearstream) qui fourbirait « quelques crochets de bouchers tout neufs […] Il les utilisera pas pour nous ».
xavier mathieu, leader CGT de Continental à Clairoix, portrait réalisé par TaousXavier Mathieu, qui s'est imposé comme la figure majeure du conflit, a été condamné comme en première instance à la peine la plus lourde. Homme de la base, parlant le langage de la base, usant des mots drus des militants ouvriers d'autrefois, il n'avait pas hésité à critiquer violemment la direction de son syndicat, la CGT.

Sur les marches du palais de justice d'Amiens, on remarquait la présence d'Arlette Laguiller, ancienne porte-parole de Lutte ouvrière et Olivier Besancenot (NPA). Celui-ci avait réaffirmé au micro de France Info un peu plus tôt dans la matinée
qu'il « serait incompréhensible que les Conti ne soient pas relaxés », soulignant le deux poids deux mesures des pouvoirs publics qui poursuivent les Contis quand d'autres, à la tête d'entreprises ne sont pas inquiétés (AZF…). (Olivier Besancenot répond à Raphaëlle Duchemin sur France Info, 5 février 2010).
[photo de Xavier Mathieu. © Taous]


Source AFP

Voir :
Six Contis devant la cour d'appel d'Amiens. Relaxe ? Pas vraiment


Un verdict d'apaisement ?


Bien sûr, il n'y aurait pas dû avoir de poursuites et certes, on peut estimer que 2 000 à 4 000 euros d'amende, c'est encore un peu chère payé pour un simple mouvement de colère qui passe pour légitime dans un conflit social aussi dure. Ce que ne s'est pas privé de faire la CGT dans un communiqué le 5 février 2010 (« Après l'appel, les pouvoirs publics doivent abandonner toutes poursuites »).

Mais
le verdict apparait comme plus « équitable » qu'en première instance où les six Conti avaient écopé de peines de prison, même si elles étaient assorties de sursis.
L
a teneur des débats du procès en appel à Amiens avaient laissé penser, à juste titre, que l'on se dirigeait vers l'apaisement. Certains observateurs avaient noté le changement de stratégie de la défense des Conti. Ainsi, le procès en appel avait mis face à face des Conti moins revendicatifs (mais qu'aurions nous fait à leur place ?) et un président, Pierre Foucart, et un avocat général, Pierre Avignon, plutôt compréhensifs et paternalistes. S'il y a un élément à retenir c'est l'allègement des peines prononcées par la cour d'appel d'Amiens, qui a été, en droit, au plus près possible de la relaxe.
Les juges de la cour d'appel d'Amiens, à leur manière, ont donné tort à l'Etat et c'est bien celui-ci qui sort perdant de cette affaire et qui s'est déjugé. Se vengera-t-il au moment du procès civil en frappant encore plus durement au porte-monnaie ?


un ouvrier de Continental à Clairoix dans l'OiseBientôt le procès civil

Désormais, une autre manche va s'engager. En effet, il faut rappeler qu'après le procès pénal va se tenir le procès civil. Procès au cours duquel le juge demandera des comptes aux six Conti pour les dégradations de la sous-préfecture et fixer, ou non, des dommages-intérêts dont ils devront s'acquitter. L'Etat qui est partie civile va chiffrer les dégâts et présenter la note au moment du procès.

Ce deuxième acte sera un véritable test politique pour connaître la direction que souhaitent adopter les pouvoirs publics… la guerre ou la paix.
Car, le juge, au civil, s'en tient aux « faits avérés » et à la facture; bien entendu si, dans le cas présent, les pouvoirs publics poursuivent toujours au civil.
Soulignons que ce procès en appel à Amiens avait suspendu le procès civil que le tribunal de Compiègne avait fixé au 4 novembre 2009. Les pouvoirs publics n'ont a ce jour pas changé de ligne.
Perspective d'un autre procès à laquelle Xavier Mathieu a déjà répondu : « Qu'on nous foute la paix maintenant et que le gouvernement n'insiste pas. »


Le comité de lutte Continental (Continentalweb) qui avait fait un appel aux dons et à la solidarité aurait récolté environ 64 000 euros. L'appel aux dons faisait suite à la volonté de l'Etat de se porter partie civile et faire payer les dommages occasionnés à la sous-préfecture à hauteur de 63 000 euros, montant estimé « a minima », selon la sous-préfète de Compiègne Sabrina Belkhiri-Fadel.


On relève sur cette facture des détails assez surréalistes comme ce buste de Marianne, brisé — et par parenthèse fort laid — d'une valeur de 388 euros, quand il y en a de superbes sur eBay pour quelques dizaines d'euros.


On en conclu qu'aujourd'hui, en France, il vaut mieux être un hooligan, protégé par les intérêts du « sport business », qu'un ouvrier qui demande justice.

bureau saccagé de la sous-préfecture de CompiègneSous-préfecture de Compiègne: une réaction à vif des Conti

Le 21 avril 2009, les Conti occupent la sous-préfecture de Compiègne. Leur leader, le délégué CGT Xavier Mathieu, apprend en direct devant les caméras de télévision, que le tribunal de Sarreguemines déboute l'intersyndicale de sa demande de suspension ou d'annulation du plan social pour délit d'entrave. Ce qui par conséquent ouvre la porte au licenciement de 1 120 salariés. L'équipementier allemand Continental n'aura eu, lui, aucun comptes à rendre ni à la justice, ni au pouvoirs publics. Alors que la fermeture de l'usine de Clairoix, pour des raisons de baisse production, crise oblige selon la direction de Continental, n'a été qu'une délocalisation déguisée. Continental s'est transporté en Roumanie.
La nouvelle agit comme un détonateur. Quelques syndicalistes autour de Xavier Mathieu bousculent alors quelques meubles, un ordinateur; une fenêtre est cassée, des papiers éparpillés… [voir photo ci-contre]

Sur la foi d'un reportage de TF1, qui n'a pas flouté le visage des syndicalistes à l'intérieur de la sous-préfecture de Compiègne, six personnes sont identifiées et comparaissent d'abord au tribunal
de Compiègne, puis en appel à Amiens, où c'est joué ce 5 février 2010 l'épilogue judiciaire d'une affaire qui n'aurait dû connaître qu'un traitement politique et social.

Mais ce procès des Conti est symptomatique d'un climat social que le gouvernement, fantomatique, englouti corps et bien par la crise économique, se montre incapable de gérer. Un gouvernement, qui, par le biais d'une judiciarisation accrue, ne sait plus répondre aux demandes sociales que par la politique du « gros bâton ».


Sur le rôle de TF1 dans ce procès :
Continental : TF1 auxiliaire de justice dans les échaufourrées de la sous-préfecture de Compiègne