25/01/2010

hugo chavez président du VenezuelaHugo Chavez et le séisme à Haïti : manipulation et polémique. Comment naît une rumeur.

La rumeur donc. Hugo Chavez, président du Venezuela, aurait accusé les Etats-Unis de « jouer à Dieu », et d'avoir provoqué, par une arme « sismique », lors de manœuvre militaire navale dans les Caraïbes , le tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui a ravagé Haïti.

La rumeur est partie d’un article de Noelia Sastre « Chávez acusa a EE.UU de provocar el seísmo de Haití », paru le 20 janvier 2010 sur abc.es. La journaliste espagnole, depuis Madrid, se fondait, mais sans le préciser, sur un article qu'elle avait du lire sur Vive.gob.ve et, de facto, attribuait — comme le titre de l'article le laissait entendre — à Hugo Chavez des propos qu'il aurait tenu sur la responsabilité des Etats-Unis dans le séisme d'Haïti. Elle enfonçait le clou un peu plus tard dans un second article, tout aussi mensonger : « El arma secreta para provocar terremotos . »
« Une arme secrète pour provoquer des tremblements de terre. »

Malheureusement pour Noelia Sastre, Hugo Chavez n'a jamais tenu ces propos et qui plus est, l'article auquel elle se réfère ne fait qu'exposer un rapport de la marine russe. Elle oublie de le préciser pour faire du sensationnalisme. Toute arrière-pensée de Vive.gob.ve n'est pas à exclure, mais alors nous sommes dans l'analyse des intentions pas dans les faits. Et l'extrapolation est d'autant plus grave.

Les rumeurs naissent souvent ainsi. Et d'ailleurs, la rumeur de se propager et d’enfler, en particulier grâce à la chaîne russe en langue anglaise Russia Today, qui, citant ABC, reprend telles quelles les allégations du journal espagnol et amplifie la propagation de la fausse information. Depuis, les images de Russia Today tournent indéfiniment sur l’Internet, comme preuve de la déclaration d’Hugo Chavez.

Quelques remarques sur les images diffusées par Russia Today :

La journaliste russe cite bien comme source ABC et reprend les propos prêtés au président Hugo Chavez, mais jamais nous n’entendrons la voix de Hugo Chavez, pourtant à l’image. Nous verrons pourquoi plus loin.


La présence à l'image de Hugo Chavez ne sert qu’à accréditer les propos exprimés par la journaliste. En outre, nous voyons une mention en bas de l'écran : Caracas, Venezuela, mais sans date, ni référence à une quelconque réunion ou conférence. L’usage aurait voulu qu’il soit indiqué la date et le lieu de l’enregistrement de ces images, ou de stipuler « image d’archives » puisque ce sont bien des images d'archives.

Les images diffusées par Russia Today




Les images de Russia Today sont des images d'archives

La clé nous est apportée par Latinreporters.com, qui nous apprend que les images de Hugo Chavez diffusées par Russia Today, sont celles d’une conférence, tenue en décembre 2009 à Caracas, pendant laquelle le président vénézuélien présentait son bilan annuel.
Notons que latinreporters.com, n'est pas tendre dans son article pour Hugo Chavez et son régime. Il faut donc saluer leur travail de démystification.


Les images de la conférence annuelle tenue par Hugo Chavez. Décembre 2009. Caracas. Venezuela.





une du site espagnol abc.es, le 19 janvier 2010ABC a fait un copier-coller du site Vive

Dans l’article de Noelia Sastre, il y a bien un lien, (il disparaitra dans le même article actualisé quelques heures plus tard) qui pourrait diriger vers la page qui ferait la preuve de ses allégations. Or, ce lien renvoie sur
Vive.gob.ve, le site du ministère de la Communication et de l'Information du gouvernement vénézuélien. Pas sur un article, pas sur une vidéo, ni sur un communiqué, mais sur la page d’accueil.
Quand on cherche sur le site, même dans la rubrique, pourtant toute dévolue à la pensée du président vénézuélien, Las Linéas de Chavez, pas trace, non plus, des déclarations tonitruantes rapportées par ABC.

En revanche, on trouve la source de l'article d'ABC, qui est plus proche du copier-coller que de l'enquête journalistique, un texte au titre explicite, a priori, mais qui mérite d'être bien lu et que l'on poursuive la lecture en allant jusqu'aux commentaires des internautes, publiées à la suite : « "Terremoto experimental" de Estados Unidos devastó Haití ». « Un "tremblement de terre" expérimental provoqué par les Etats-Unis dévaste Haïti ».

Cet article rend compte d'un rapport de la Flotte russe du Nord qui fait état de dispositifs électromagnétiques de type Pulse et Tesla (canon à ions) qu'expérimenterait la marine états-uniennes dans le but de provoquer des séismes (« pour à terme se débarrasser du régime iranien de Mahmoud Ahmadinejad au moyen de tremblements de terre ») ou toutes autres catastrophes naturelles. Cela s'inscrirait dans un programme nommé HAARP (High Frequency Active Auroral Reseach Programm)
.
Programme, ou projet, qui donne lieu à de nombreuses controverses, en particulier, du côté des « conspirationnistes ».
On aimerait bien que le fameux rapport de la Flotte russe du Nord soit produit.

Reportage de ITélé (France) sur le projet HAARP
. 8 mn.


Des lecteurs de Vive, pas des dupes

Les lecteurs du site Vive, qui rappelons-le, est le site du ministère de l'Information et de la Communication vénézuélien, ne se privent pas de dire leur opinion et d'émettre des doutes sur le fond de cet article.
Non signé : " Creo que dentro de la revolución debemos ser bastante serios también. Aún cuando nos sintamos afines con ideas anti-imperialistas, creo que estas historias sacadas del DIA DE LA INDEPENDENCIA no tienen fundamento teórico real."
Traduction: « Je crois que dans la révolution, nous devons aussi être sérieux. Même quand nous nous sentons proches d'idées anti-impérialistes, je pense que ces histoires tirées d'Indepence Day n'ont pas de fondement théorique réel.»

Signé Pedro Gonzalez: " Que buen articulo de ciencia ficcion". Traduction « Bon article de science fiction. »

D'autres internautes, qui ne semblent pas hostile au gouvernement vénézuélien, restent incrédules et expriment dans l'ensemble les mêmes réactions.



Course de vitesse entre Barack Obama et Hugo Chavez dans les Caraïbes

On ne peut exclure la volonté de nuire d'ABC (journal conservateur) dans un contexte tendu entre les Etats-Unis et le Venezuela, qui a aussi à faire avec une contestation intérieure.
La catastrophe qui a touché Haïti, rappelle que les Caraïbes restent un enjeu géopolitique, malgré (ou à cause de) la pauvreté qui touche ces îles. Les observateurs qui se sont interrogés sur le déploiement des forces américaines, estimés à environ 15 000 hommes et qui devraient, d'après Alan Thompson,
directeur de l'agence chargée de la logistique militaire au sein du Pentagone,
restées au moins six mois (Radio Canada), pourrait bien s'apparenter à un prépositionnement militaire afin de contrer une éventuelle incursion du Venezuela et de Cuba à Haïti. Deux pays présents à travers les sauveteurs et l'aide humanitaire. Barack Obama ne veut pas d'un éventuel Cuba bis dans la région (hypothèse fort improbable).

Quant à Hugo Chavez
, il réplique à sa manière. Ainsi le 26 janvier 2010, il annonçait la suppression de la dette d'Haïti (295 millions de dollars. Données du FMI) et réunissait les huit pays membres de l'ALBA (Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) pour établir un plan d'aide à Haïti en huit points.


Vladimir Poutine à bord du croiseur nucléaire Pierre le GrandInformation circulaire et salade russe

Il n'en reste pas moins qu'il y a un mystère dans cet épisode géostratégique
digne d'un sketch de Raymond Devos :
Prenez une rumeur qui naît d'une journaliste espagnole qui cite des propos tenus, mais en fait non-tenus par le président vénézuélien Hugo Chavez, faux propos ensuite relayés et amplifiés par un site russe (proche du pouvoir bifrons Dmitri Medvedev-Vladimir Poutine); or, ces-mêmes propos sont des infos rapportées — vous suivez — par le site vénézuélien de l'information du président Chavez, qui fait état de données puisées dans un rapport des forces armées de la marine russe. La boucle est bouclée.

Résultat : salade russe ?

[Photo ci-dessus, Vladimir Poutine à bord du croiseur nucléaire Pierre-le-Grand]


Donc, à ce jour, et à lire la presse en ligne ou les blogs, et même en cherchant bien à l'aide de Google, ce sont toujours les mêmes informations, au mot près, qui sont distillées, mais sans plus de détails que l’article initial d’ABC du 20 janvier 2010, et qui nourrissent les préjugés des uns et des autres et les spéculations les plus délirantes.

Et la presse française ?

De nombreux journalistes français se sont engouffrés dans cette histoire sans vérifier, ni recouper les informations.

Le 20 janvier 2010, Audrey Fournier, journaliste au Monde, reprend l’info dans son blog et lui donne, aux yeux des lecteurs du « journal de référence », sa légitimité. Avec un titre sans ambiguïté : « Pour Hugo Chavez, les Etats-Unis sont responsables du séisme. »

Pour elle, rien de plus logique. Elle écrit, après avoir relu sans doute quelques polycopiés de Science Po : « La volonté d’Hugo Chavez de contester le leadership américain dans la gestion de la crise, en allant jusqu’à l’accuser d’être responsable de la catastrophe, s’inscrit dans une tentative de longue haleine du Venezuela d’étendre son influence sur la région Caraïbe . »
Sans plus s’interroger. Pour elle, le compte de Hugo Chavez est bon. La « volonté d'hégémonie régionale » du président vénézuélien permet d'avancer n'importe quelle élucubration.


Même chose un peu partout dans la presse et sur les sites d'info. A une exception, le site d'Arrêt sur image, qui dès le 22 janvier 2010, dans les "Vite dit" émettait des doutes. Haïti : "Test armée US" ? (Chavez/ABC)

Il serait fastidieux de tout citer. Mais une mention spéciale revient au JDD (Le Journal du dimanche) pour le papier paru, le 22 janvier 2010, sous la plume de Nicolas Moscovici : « Haïti : les divagations de Chavez. »
Papier qui se déguste comme un morceau d’anthologie, un nectar comme on en goûtait durant la Guerre froide et qui nous rappelle le meilleur de la presse anticommuniste et même… tout bonnement antirusse. On ne sait qui divague le plus.

Il serait désormais souhaitable que les journalistes qui ont repris l'information infondée, et auxquels il arrive de confondre info et interprétation, fassent leur mea culpa.


clavier d'ordinateurDes blogs vigilants

Remarquons enfin que cette info, ou pseudo-info concernant des propos qu'auraient tenus Hugo Chavez, serait née du clavier d’un quelconque blogger, ou sur un site « marginal » qu’aussitôt les contempteurs professionnels d'Internet auraient dénoncé cette incroyable poubelle qu'est le Net. Mais malheureusement pour eux, ce ne sont pas quelques bloggers irresponsables qui ont diffusé ces informations mais des journalistes, dit sérieux (pléonasme ?). Or, comme on le constate de plus en plus souvent, ce sont les blogs qui ont envoyé les premiers signaux d’alerte sur cette affaire rocambolesque. Ce sont les bloggers et quelques journaux en ligne qui ont été fouiller, analyser, comparer, ces soi-disant déclarations de Hugo Chavez. Et ce sont bien des journalistes « sérieux » qui ont repris des rumeurs et s’en sont faits les fourriers.



[
Mis à jour 31 janvier 2010. Deux messages à peu près identiques ont été adressés depuis la mise en ligne de ce billet, l'un à Audrey Fournier, sur le site du Monde, l'autre à Nicolas Moscovici sur le site du Journal du dimanche.
Le message demandait en substance si, devant les preuves accablantes d'une manipulation des informations concernant les déclarations de Hugo Chavez sur « l'implication » des Etats-Unis dans le séïsme de Haïti, les deux journalistes comptaient faire un rectificatif. Rien de bien méchant donc.
Bien entendu, à ce jour aucun rectificatif n'a été publié, mais si mon message a paru tel quel dans les commentaires du blog d'Audrey Fournier, il a été bloqué par le ou les modérateurs du Journal du dimanche. Beau courage ! ]

21/01/2010

manifestation en faveur des Continental, 13 janvier 2010Six Contis devant la cour d'appel d'Amiens. Relaxe ? Pas vraiment

Xavier Mathieu, porte-parole des salariés de Continental et cinq autres syndicalistes étaient jugés en appel, le 13 janvier 2010, devant le tribunal d'Amiens pour le « saccage », le 21 avril 2009, de la sous-préfecture de Compiègne. Les réquisitions de Pierre Avignon, l'avocat général, ont confirmé, à quelque chose près, les premières peines prononcées, en septembre 2009, par le tribunal correctionnel de Compiègne. Le magistrat du ministère public s'est aussi refusé à demander la relaxe.

Pierre Avignon a demandé de 2 à 5 mois de prison avec sursis au lieu de 3 à 5 mois de prison avec sursis
en première instance. Il a ajouté qu'il ne s'opposerait pas à ce que la peine soit commuée en travail d'intérêt général (TIG). En réponse à cette éventualité, Xavier Mathieu, figure du conflit, a ironisé : « Au vu du temps que je vais avoir, je vais pouvoir servir l'humanitaire ou une association. »

Évidemment, la peine la plus sévère — 4 à 5 mois de prison avec sursis — a été requise contre Xavier Mathieu, représentant CGT et leader des Contis de Clairoix (Oise).
L'Etat, qui s'était porté partie civile, a finalement renoncé à présenter la facture des dégâts, estimés « a minima » à 63 000 euros par la sous-préfète de Compiègne, Sabrina Belkhiri-Fadel. Celle-ci, avant d'être nommée sous-préfète de l'Oise, était conseillère technique auprès de Brice Hortefeux, au ministère de l’Immigration, de l’intégration et de l’identité nationale.


Le jugement est mis en délibéré au 5 février 2010.


Le Sapeur Camembert dans le prétoire


le palais de justice d'AmiensL'avocat général, Pierre Avignon, après avoir déclaré à propos des Contis : « Leur lutte était respectable, même si leurs actes ne l'étaient pas » a demandé un verdict de « compréhension » et « d'indulgence », mais s'est refusé à demander la relaxe, car, certainement inspiré par le Sapeur Camembert, il a conclu : « la relaxe serait la porte ouverte à l'impunité […] Vous n'avez rien prémédité mais on ne peut pas cautionner les dérapages ».
Il est vrai que, quand les bornes sont franchies, il n' y a plus de limites.


Nous voilà fort marri, car le contexte politico-judiciaire de ces dernières années en France, nous avait… Comment dire… Plutôt habitué à la clémence et justement à l'impunité de certains. Bien entendu, quand procédure judiciaire il y avait.

A titre d'exemple, La France occupe la vingt-quatrième places dans l'index 2009 de Transparency International mesurant la corruption dans les pays. Ce qui n'est pas fameux.

[Ci-dessus photo du tribunal d'Amiens]

Un lugubre coup de semonce

Mais l'essentiel est ailleurs. Les magistrats, d'après les témoignages que l'on peut lire dans la presse ou sur des blogs, se sont montrés magnanimes et plutôt bon enfant. Pierre Avignon, l'avocat général, allant jusqu'à concéder, en parlant des Contis, « leur lutte était respectable, même si leurs actes ne l'étaient pas
». Somme toute les magistrats n'ont pas réclamé la mort du pécheur « social ».

Ils pouvaient se permettre une telle « mansuétude » — toute relative, puisque des peines de prison ont tout de même été
prononcées, certes avec sursis — car l'essentiel est que le procès ait pu se tenir. Il a manifestement une fonction d'avertissement, dans le cas présent un peu paternaliste, et délivre un message : « Que les salariés qui auraient des accès de colère, même légitime ce le tienne pour dit; la justice veille et pourrait ne pas être toujours aussi compréhensive.» Manière également de dire aux licenciés : « Prenez vos indemnités, estimez-vous encore heureux d'en avoir et rendez-vous directement à la case Pôle emploi.»
Ce que résumait, dans L'Humanité du 14 janvier 2010, Stéphane Bacquet, délégué CFC-CGC chez Continental : « Ce procès, c’est un moyen de nous faire comprendre qu’après avoir bossé dur, il faut accepter de se faire virer en silence et qu’on peut manifester, mais pas trop fort. »
Ce procès de syndicalistes est emblématique de la volonté affichée par l'Etat de donner des réponses judiciaires à des questions sociales. Il sonne comme un coup de semonce aux accents lugubres pour tout ceux qui voudraient revendiquer et faire valoir leur droit.

On peut aussi se souvenir de ce qu'écrivait
François Mitterrand, avec les accents d'un Conventionnel de 1793, dans Le Coup d'Etat permanent (1964) et qui semble plus que jamais d'actualité : « C'est le pouvoir judiciaire […] qui s'obstine à confondre la lettre et l'esprit, c'est-à-dire à croire qu'il existe en France des lois, des libertés et des citoyens alors que les lois ne sont que des décrets, les libertés des concessions et les citoyens des sujets.»

Faire avouer les images

Comme au cours du premier procès, les images des télévisions ont été au centre des débats. Ainsi le président de la cour d'appel, Pierre Foucart, s'est constamment appuyé sur les images des reportages — qu'il a fait diffuser — les assignant comme pièces à conviction et éléments à charge. Ce qui a donné lieu à des passes d'arme assez croquignolettes.
Quant on lit ce que
les témoins des échanges rapportent, on imagine un sketch.
D'un côté, le président Pierre Foucart et l'avocat général Pierre Avignon relatent ce qu'il voit à l'écran, et veulent s'en tenir aux faits, au manifeste. Mais est-ce suffisant pour administrer la preuve de la culpabilité des Contis, du moins juridiquement ?

De l'autre, des accusés qui esquivent les questions et jouent sur les détails.
En effet, la défense a choisi de changer de stratégie pour ce procès en appel. Reconnaître les faits, certes — merci TF1 — mais marteler aussi que de
s images, cela s'interprète.
Ainsi, un des Contis que l'on voit dans les reportages jeter un objet dans une fenêtre explique :
« Quand je bouscule cet objet, que je m'en vais de la pièce en courant, ce n'était pas volontaire ».
L'avocat général Pierre Avignon : « Mais enfin, comment pouvez-vous dire que ce n'est pas volontaire ? Vous êtes seul dans cette pièce, vous prenez un objet et vous le jetez ! »

De même, la seule femme, parmi les six Contis qui comparaissent, prétend avoir lancé « des feuilles blanches », à quoi Pierre Avignon, doté, semble-t-il, d'une vista remarquable, lui oppose que ce sont des dossiers, car il y a des cotes.
Etc.



le siège de TF1La responsabilité de TF1 engagée

Dans la mesure où seules les images de TF1 — diffusées dans le journal de 20 heures de Laurence Ferrari, le 21 avril 2009 — n'offraient pas aux syndicalistes le floutage de leurs visages, nous pouvons aisément imaginer la responsabilité et le tort que la chaîne a causé au moins à cinq d'entre eux. Car, pour être précis, quelles que soient les chaînes de télévision— TF1, France2 ou France3 — le visage de Xavier Mathieu n'était jamais flouté.


Mais le plus surprenant dans cette affaire, reste que,
des images tournées par les équipes des chaînes nationales sur un conflit social qui touche 1 120 salariés — dans une région déjà sinistrée, la Picardie — après que des engagements eurent été pris par lesdites chaînes de protéger l'anonymat des personnes filmées. Ces mêmes images ensuite diffusées sans précaution pour, finalement, devenir les seuls éléments à charge dont dispose le tribunal pour incriminer six syndicalistes, et bien cela ne trouble personnes ; ni syndicats professionnels de journalistes, ni la Cnil, d'habitude si soucieuse du droit à l'image, ni commentateurs… Il est vrai que l'on a vu pire comme la mise en danger de stringers locaux par des équipes de reportage dans certains pays pas vraiment démocratiques.

Mais ces images auront eu au moins une vertu insoupçonnée, nous démontrer que le « saccage » de la sous-préfecture de Compiègne s'est résumé à un mouvement de colère — qui a consisté à jeter quelques papiers en l'air, renverser un ordinateur et casser un carreau. Le terme « saccage », utilisé ici et là, pourrait laisser penser que la sous-préfecture avait été « mise à sac » de fond en comble. Encore une fois nous avons vu pire. Ce qui n'est pas, avouons-le, une justification.
Cette colère collective
faisant suite à l'instant où Xavier Mathieu apprend par téléphone que le tribunal des référés de Sarreguemines (Moselle) déboute les Contis de leur demande de suspension ou d'annulation du plan social pour délit d'entrave.
Xavier Mathieu explique
à la cour d'appel d'Amiens, ce qu'il ressent alors : « C’est un cataclysme que je reçois sur la tronche quand je reçois ce coup de téléphone.»

Au président Pierre Foucart qui remarque, « vous donnez en quelque sorte le top départ de ce tumulte, vous êtes pourtant un cadre syndical expérimenté », Xavier Mathieu lui réplique : « un homme avant tout. C’est un cataclysme qu’on prend sur la tête. Je vois défiler devant mes yeux mes enfants, ma maison, le clochard au coin de la rue ».


Quant à l'avocate de la défense,
Me Marie-Laure Dufresne-Castets, qui s'adresse au tribunal, elle demande la relaxe et conclut sa plaidoirie en ces termes : « Vous ne pouvez pas entrer en voie de condamnation aussi longtemps que vous n'aurez pas démontré que ces personnes sont les auteurs d'une dégradation précise. »


les Continental français défilent avec leurs collègues allemands à HanovreA la barre, la gauche témoigne… du malaise social

Outre la manifestation de soutien qui a réuni un peu plus d'un millier de personnes à Amiens, avec une forte représentation des Goodyear, des Valeo, des salariés de Colgate-Palmolive mais aussi une délégation allemande de Contis venus de Dortmund (photo ci-contre, manifestation de solidarité des Contis français avec les Contis de Hanovre, Allemagne), la majeur partie des porte-parole de la gauche étaient présents en tant que témoins de moralité et appelés à la barre à la demande de la défense : Nathalie Arthaud (LO), Olivier Besancenot (NPA), Marie-George Buffet (PCF), Cécile Duflot (Les Verts), Benoît Hamon (PS) et Jean-Luc Mélenchon (PG). Tous présents dans la vidéo ci-dessous + Christian Mahieux (Sud-Solidaires).





Tous les porte-parole de la gauche sont venus dénoncer la « violence sociale », « les licenciements boursiers », la « criminalisation des mouvements syndicaux», les « patrons voyous », dénoncer la futur possibilité judiciaire d'une responsabilité collective…
Le procès en appel des Contis aura eu aussi le mérite, pendant quelques heures, de recréer une sorte d'Union de la gauche et de permettre la contextualisation du conflit Continental de manière à le replacer dans sa vraie dimension, la dimension politique.

Et pour Harry Fandor de constater que Benoît Hamon s'abreuve aux sources de la Fondation Jean-Jaurès (quoi de plus normal ?) à laquelle
le billet précédent de ce blog faisait référence à propos de la loi anticasseurs. Continental : TF1 auxiliaire de justice dans les échauffourées de la sous-préfecture de Compiègne


Roland Szpirko et Xavier MathieuBernard Thibault et la main de Trotski

Un grand absent, Bernard Thibault, que Xavier Mathieu avait assimilé à une « racaille » juste bonne « à frayer avec le gouvernement » et « à calmer la base » en août 2009 sur plusieurs médias (Eco rue89 et France Inter). D'ailleurs la direction de la CGT a défendu du bout des lèvres les syndicalistes de Continental qui devaient comparaître à Amiens, en publiant un communiqué, le 11 janvier 2009, dans des termes on ne peut plus généraux. On osera à peine dire qu'ils ont fait le… « minimum syndical ».
La direction de la CGT,
engagée sur la voie du réformisme, n'a certainement pas digéré la présence tout au long du conflit de Roland Szpirko (ci-dessus, avec Xavier Mathieu), élu de Lutte ouvrière au conseil municipal de Creil (Oise) et conseillé officieux des salariés de Continental et de Xavier Mathieu. Celui-ci étant déjà accusé par certains caciques du siège de la CGT, à Montreuil, d'avoir basculé du côté obscur du gauchisme.

Et maintenant, à qui le tour ? Les Goodyear d'Amiens ? La vidéo ci-dessous le laisse penser.


Discours d'un syndicaliste de Goodyear-Amiens à l'occasion du procès en appel des six Contis. 13 janvier 2010. Amiens.
On reconnaît Xavier Mathieu (CGT) et leader des Contis, Maxime Gremetz, député de la Gauche indépendante et démocratique de la Somme, et dans le coin à gauche, fugitivement, Robert Hue, sénateur du Val d'Oise.



Source :

Le Courrier Picard
. L'avocat général refuse la relaxe aux Conti malgré les soutiens

La Voix du Nord. Un procès en appel très politique pour les six de « Conti »

L'Humanité. Continental. « Abandonnés, on allait tout perdre »

Le Coup d'Etat permanent, François Mitterand, Plon, 1964. Réédité en 10/18 en 1993.

Les Blogs

Les Contis

Sur le site Article 11. (reportage à Amiens). Procès des "six de Continental" : loin des centrales syndicales, au coeur des luttes sociales

le blog du syndicaliste Cyril Lazaro qui suit les Contis. Xavier mathieu : la fin d'une lutte

11/01/2010

manifestation des ouvriers en colère de continentalContinental : TF1 auxiliaire de justice dans les échauffourées de la sous-préfecture de Compiègne

C'est ce qu'affirmait sur France Inter, Xavier Mathieu, porte-parole des salariés en conflit avec leur entreprise — l'équipementier automobile allemand Continental — au micro de Pascale Pascariello dans l'émission Comme on nous parle du 7 janvier 2010.

Xavier Mathieu (représentant CGT), un des six Conti condamnés à plusieurs mois de prison avec sursis pour le « saccage » de la sous-préfecture de l'Oise, accusait nommément la chaîne du groupe Bouygues d'être responsable de leur identification par la justice et que cette dernière se servait, comme pièce à conviction pour le procès, des images diffusées, le 21 avril 2009, dans le 20 heures de Laurence Ferrari sur TF1. Cette dernière n'hésitait pas à lancer le reportage en parlant de « préfecture saccagée » et de « flambée de violence ».

La mise en cause de TF1 intervient au moment où les salariés de Continental (cinquième équipementier mondial) commencent à recevoir — depuis le 1er janvier 2010 – la lettre leur notifiant la rupture de leur contrat de travail, et aussi quelques jours seulement avant le procès en appel des six salariés de Continental condamnés en première instance, qui se tiendra le 13 janvier 2009 à Amiens.

TF1 pas flou

En effet, à l'inverse de tous les autres médias, TF1 n'avait pas flouté les visages des salariés qui occupaient la sous-préfecture de l'Oise. Circonstance aggravante pour TF1, toujours selon Xavier Mathieu (ci-dessous), un accord avait été passé avec l'ensemble des équipes de journalistes sur place. Pour que ceux-ci puissent suivre l'occupation de la sous-préfecture, ils devaient dissimuler les identités, avec les moyens techniques habituels, au moment de la Xavier Mathieu, porte-parole des salariés de Continentaldiffusion des reportages à l'antenne.
Tant sur France 2, France 3, France 24 (équipes différentes ou montages différents) que ITélé ou BFM, les rédactions avaient respecté l'accord de principe — qui n'est après tout que l'observation d'une règle déontologique fondamentale du journalisme. Les équipes de reportage avaient donc bien pris garde de flouter les visages. La presse écrite, de même, diffusait des photos avec des visages floutés. Par exemple Le Parisien avec les photos d'Arnaud Dumontier.


TF1 la politique du flou

Dérapage, incompétence, désir intériorisé de nuire, volonté délibérée de donner des gages au pouvoir ? On aimerait que Denis Cadeau (service économie) qui a effectué le reportage, ainsi que Catherine Nayl, logo de la chaîne TF1la directrice de la rédaction, s'expliquent. D'autant que celle-ci occupe un poste si sensible qu'elle est directement rattachée à Nonce Paolini, le PDG du groupe TF1. Quant on connaît les liens qui unissent Nicolas Sarkozy à Martin Bouygues, on devient vite soupçonneux et en droit de se poser des questions.

D'autant que TF1 sait faire
. En effet, la chaîne est passé maître dans l'art du flou : pas un logo, pas une marque, pas un slogan,
quelle que soit l'émission — jusques et y compris dans les émissions de télé-réalité — ou quelle que soit la surface, qui ne soient floutés. Ce qui provoque parfois d'irresistibles moments de comique involontaire.

Saisie le vendredi 8 janvier 2010, au 20 heures de TF1, dans un sujet sur les intempéries, la plaque d'immatriculation d'une voiture fichée dans la neige. Plaque vue fugitivement, mais plaque floutée, comme il se doit. On imagine les conséquences, certainement désastreuses pour son propriétaire, dans le cas contraire. Ironie mise à part, c'est le simple respect du droit à l'image tel que la CNIL l'a défini et que l'usage professionnel l'impose.
Or, pour les Conti, pas de floutage. Alors, que penser ?


Loi anticasseurs au service de la casse sociale

les Continental en meeting à ClairoyLe 13 janvier 2009, six ex-salariés de Continental comparaîtront donc devant la cour d'appel d'Amiens.
En première instance, le 1er septembre 2009, devant le tribunal correctionnel de Compiègne, ils avaient écopé de peines de prison avec sursis allant de 3 à 5 mois et d'une amende de 63 000 euros. Les faits reprochés : le « saccage », le 21 avril 2009, de la sous-préfecture de cette même ville de Compiègne.
L'avocate de la défense, Marie-Laure Dufresne-Castets, qui plaidera la relaxe devant la cour d'appel d'Amiens, insiste sur la régression démocratique induite par le premier jugement, puisqu'il renvoie à une loi abrogée en 1982 par Robert Badinter, alors ministre de la Justice, la loi anticasseurs du 8 juin 1970. Car la procureure a retenu comme circonstance aggravante le « délit en réunion ». Cette loi anticasseurs ressuscitée sous le nom de loi antibandes par Nicolas Sarkozy, et trouvant son plein emploi dans les conflits sociaux. C'est aussi une de ses finalités.

Or, comme le souligne Nicolas Vignolles dans une note écrite pour la Fondation Jean-Jaurès sur cette loi anticasseurs et son actualisation par le pouvoir actuel : la Cour de cassation, le 26 février 1956, dans un grand arrêt de principe, rappelait que : « Nul ne doit être passible de peine qu’à raison de fait personnel. » Ce qui exclue, et c'est un principe fondamental du droit, les peines infligées à titre collectif.

Rappelons que le « saccage » faisait suite à l'annonce, en direct devant les caméras de télévision (ô sublime synchronisme) du jugement du tribunal de Sarreguemines (où se trouve l'autre site français de Continental) qui déboutait l'intersyndical (CFTC, CGT, FO, et CNC) de sa demande de suspension ou d'annulation du plan social pour délit d'entrave.
ouvriers de Continental à Clairoy, Oise
La juge des référés, Elisabeth Rigal, avait estimé qu'il n'y avait eu aucune irrégularité de la part de la direction de l'équipementier allemand.
Dans cette affaire Continental, la chronologie revêt une grande importance. On constate avec quelle célérité, désormais, les firmes peuvent fermer des sites, licencier (ici 1 120 personnes), délocaliser et combien la justice se montre prompte à établir des faits et juger les six personnes impliquées dans le « saccage » d'un bureau de la sous-préfecture de Compiègne.


Xavier Mathieu résume, de façon passionnée, la situation des Conti face à un Frédéric Lefebvre dépassé. Au second plan, Alexis Brezet, rédacteur en chef adjoint du Figaro, ne pipe mot. (Mots croisés, 8 septembre 2009 sur France 2)




Les Conti, seuls face à la justice


Pas tout à fait, puisque les principaux leaders de la gauche viendront,
le 13 janvier 2009, à la barre, comme témoins de moralité, au tribunal d'Amiens.
Cités par la défense, en l'occurrence
Marie-Laure Dufresne-Castets, l'avocate des six de Clairoix : Nathalie Arthaud, Olivier Besancenot, Marie-George Buffet, Cécile Duflot, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon.
ouvrier de Continental devant l'usine de ClairoyMais des Conti quand même bizarrement seuls devant les tribunaux. Car bien que le gouvernement, par la voix de son premier ministre, François Fillon, mais aussi de Christine Lagarde, de Luc Chatel (alors secrétaire d'État chargé de l'Industrie et de la Consommation auprès de la ministre de l'Économie) et de Laurent Wauquier, s'était ému de la situation, aucune poursuite judiciaire n'a été engagée.

Luc Chatel
évoquait pourtant de possibles suites judiciaires à l'encontre du groupe Continental, ou à tout le moins, d'explications que le groupe devrait fournir à la justice française. Il n'en a rien été. Aucune plainte, ni aucune demande d'explication n'ont été déposées par le ministre — ni par son successeur, Christian Estrosi.

Le groupe Continental avait signé un accord sur le temps de travail avec les syndicats du site de Clairoix contre la promesse de pérenniser les activités du site.
La colère des salariés étant d'autant plus forte qu'ils avaient le sentiment d'avoir été floués dans ce marché de dupes.

Voila ce que
Luc Chatel déclarait dans sa conférence de presse du 3 mars 2009, sur le dossier Continental et la négociation tripartite (Etat, direction de Continental et syndicats) après avoir rencontré la direction de l'équipementier allemand




Malgré les déclarations de Luc Chatel, La direction de Continental n'aura eu aucun compte à rendre.
Depuis le début du conflit, elle se retranche derrière la crise mondiale qui ferait baisser la production de pneus, selon ses propres estimations, entre - 25 et - 30 %.
Mais la crise mondiale ne semble pas toucher le site Continental de Timişoara, en Roumanie, où l'équipementier allemand recrute du personnel, depuis au moins le début de 2009, et augmente son rythme de production mois après mois. (Source Le Monde du 11.04.09)

Cela s'appelle tout simplement une délocalisation.

Ça roule pour Continental

Enfin, les Conti français, mais aussi allemands (780 salariés licenciés à Hanovre après la fermeture de leur site), seront certainement ravis d'apprendre sur la Tribune.fr, que le groupe allemand Continental va levé 1,085 milliards d'euros. Nouvelle qui réjouit les marchés, puisqu'à la bourse de Francfort, l'action Continental a gagné un peu plus de 9 %. Pendant la crise et les procès de salariés en colère, les affaires continuent. Et pour reprendre le titre d'une pièce fort édifiante et d'actualité d'Octave Mirbeau : Les affaires sont les affaires.

À consulter

Site des Contis

ContiBlog (contexte, pétition, historique, les actions)


La reconversion difficile des Conti. Le Courrier Picard. 11 janvier 2010

La chronologie en images du conflit Continental. France 3 Nord Pas-de-Calais Picardie.