20/03/2009

Elie Domota reçoit le président du Groland

Le 6 mars 2009, Elie Domota, leader du LKP (Lyannaj Kont Profyatatyon), le collectif à la tête de la grève en Guadeloupe, a rencontré à Pointe-à-Pitre, le président de la Précipauté du Groland, Christophe Salengros.

Dans « Groland Magzine » sur Canal+, l'émission animée par Jules-Edouard Moustic, on a pu voir l'arrivée « maltée » du président Salengros en Guadeloupe et sa rencontre avec Elie Domota auquel il apportait un message de soutien.
Il en a aussi profité — le président grolandais est d'un tempérament généreux, à l'image de ses concitoyens — pour goûter les spécialités locales, en particulier les boissons. Quand on voit le résultat, le président aurait pu faire sien l'adage
: « A pa lè ou vlé pisé pou ou chonjé pa ni bragyèt .»




Même si le mélange des genres peut en laisser certains perplexes, Elie Domota montre par là son sens de l'humour et de la dérision.
On peut y voir aussi un geste politique propre à souligner l'absence de Nicolas Sarkozy sur ce dossier : pas de déplacement aux Antilles, pas de discours et de mesures fortes pour les départements d'outre-mer pendant cette période fort agitée.
Nicolas Sarkozy ne semble pas être le président des Antilles françaises. Tout au long du conflit, il a affiché un désintérêt pour cette affaire qui ne fait que refléter son désintérêt pour l'avenir de la France, malgré les effets de manches.

Un président pressé... de rentrer chez lui

L’omniprésident, en ses dix premiers mois de présidence, a accompli l'équivalent de cinq tours du monde mais on raconte qu’il ne passe jamais plus de 48 heures
loin de son bercail élyséen. Preuve par l'exemple : les voyages en Israël, en Tunisie, en Inde, au Mexique... Au point que, parfois, le bouleversement du protocole et du calendrier frise le scandale diplomatique comme pendant sa visite d’Etat en Inde, en janvier 2008.

L'omniprésident n'a donc pas trouvé le temps d'aller en Guadeloupe et en Martinique, même pas 48 heures.
Tout comme il n'avait pas trouvé un mot à dire de la grève — qui en était à presque 20 jours — pendant son allocution de 90 minutes le 5 février 2009.

Punch ou pas pour le président ?

Yves Jego
, le secrétaire d'État chargé de l'Outre-Mer, nous apprend que Nicolas Sarkozy se rendra en Guadeloupe et en Martinique vers « le 20, le 25 avril » dans le cadre des états généraux de l'outre-mer. Ces états généraux avaient été annoncés par le président le 19 février dernier.
Ce voyage intervient bien tard. Et si ces états généraux de l'outre-mer ne sont qu'un « bidule » de plus imaginé par les communicants de l'Élysée, il se pourrait que le divorce entre les Dom et la métropole ne soit irrémédiable.


Lors de son voyage, les conseillers du président seraient bien inspirés de lui recommander, bien qu'il soit réputé abstème, de troquer la grenadine contre un ti punch (au bon vieux rhum agricole) dégusté avec plus de modération que le sémillant président du Groland.


A lire : Guadeloupe : Frédéric Lefebvre atteint d'un strabisme politico-géographique

Biblio et extrait audio :

Air Sarko
, Bruno Dive, éditions Jacob-Duvernet, 2008.
A propos des voyages de Nicolas Sarkozy, Bruno Dive, journaliste à Sud-Ouest, a écrit un livre très instructif, surtout de la part d'un auteur qui n'est pas forcément hostile au chef de l'État.

Bruno Dive répond aux questions de Nicolas Poincaré sur RTL Soir (septembre 2008)

11/03/2009

frederic lefebvre, porte-parole de l'UMPGuadeloupe : Frédéric Lefebvre atteint d'un grave strabisme politico-géographique

Vendredi 6 mars 2009, au micro de RMC, Frédéric Lefebvre, jamais à court de références « pertinentes », comparait les méthodes du LKP, le collectif qui mène la grève générale en Guadeloupe depuis le 20 janvier 2009, avec celles de mafieux et de tontons macoutes.


Le 6 mars, dans l’émission « les Grandes Gueules », diffusée sur RMC, Frédéric Lefebvre, député des Hauts-de-Seine, porte-parole de l’UMP et proche de Nicolas Sarkozy, répondait aux propos d'Elie Domota, leader du LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon) qui, la veille, déclarait en créole, que : « Sé soi yo ké apliké akor la, soi yo pé kité la gwadeloup’ nou trè ferme si sa, nou péké laissé an bande béké, vin ici dan, rétablir l’esclavage » (« Soit les entrepreneurs signent l'accord, soit ils quittent la Guadeloupe, nous serons très fermes, nous ne laisserons pas une bande de békés rétablir l'esclavage »).
Le mérite de l'interview sur RFO —
vue dans sa totalité — du leader du LKP est de replacer le passage incriminé dans son contexte politique. Il perd ainsi un peu de son âpreté, car Elie Domota désigne très précisément certains békés (référence aux descendants de colons blancs) au centre des accusations de mainmise sur l'économie des Antilles françaises.

5 mars 2009. Elie Domota interviewé sur RFO-Info Guadeloupe (en créole).





Frédéric Lefebvre, un spécialiste de la surenchère

Répondant aux questions des animateurs de l'émission « Les Grandes Gueules » sur RMC,
Frédéric Lefebvre, après avoir concédé que le « Medef de Guadeloupe n’était pas le plus progressiste de France », lâchait la phrase qui fait aujourd’hui débat et scandale : « Il faut faire cesser ces opérations d'intimidation qui ressemblent plus à des opérations de type mafieuse [...] où on voyait ces espèces de tontons macoutes du LKP...»

« Vu à la radio »

Au passage, on notera que les seuls éléments dont dispose notre fin observateur, ce sont des reportages, comme l'on dit « vus à la télé » mais que lui a « vu à la radio ». Un peu court pour un responsable politique qui squatte les médias pour commenter à tort et à travers, un peu comme en fin de gueuleton, quand on est entre soi et que chacun y va de sa diatribe.


Strabisme politique, géographique et historique

Faut-il être bigleux pour confondre la Guadeloupe en grève générale et Haïti sous la dictature des Duvalier.
Faut-il être bigleux pour confondre une action menée par des syndicalistes et des associatifs qui réclament plus de justice sociale et les exactions d’une milice paramilitaire d’État, les Volontaires de la sécurité nationale, communément appelés tontons macoutes.
Rappelons que de 1957 à 1986, les macoutes aux ordres de François Duvalier, dit « Papa Doc », puis de son fils Jean-Claude, dit « Baby Doc » (qui trouva refuge en France après avoir été chassé du pouvoir) ont massacré, violé, terrorisé, pillé, racketté cette île qui fut la première des Caraïbes à acquérir son indépendance en 1804.
Dans son excellent livre paru en 2008 aux éditions Autrement,
Haïti n’existe pas, 1804-2004 : deux cents ans de solitude, Régis Wargny parle de 30 000 morts et disparus pendant la dictature duvaliériste.

Faut-il être ignorant ou tout simplement vouloir raviver un conflit qui s’apaise après la signature, le 4 mars, entre le LKP et le préfet, de l’accord qui met fin à la grève. Alors qu'une grande partie du patronat de l'île refuse toujours de signer l'accord.

Tout au long de ces semaines tendues, le LKP a montré une grande maîtrise et une maturité politique que Frédéric Lefebvre serait bien inspiré d’imiter.
Doit-on souligner que la seule victime est un syndicaliste, Jacques Bino, un militant de la CGTG, tué par balles.
Somme toute, ce type de discours est symptomatique de la persistance d’un imaginaire colonialiste dans la société française et dans l'esprit d'une certaine élite.
Imaginaire qui balance au gré des situations entre le « nègre Banania », rigolard et pittoresque, et le « nègre révolté et marronnant », sanguinaire, la machette à la main, que l’on évoque pour effrayer le bon peuple.

Lutte sociale et pas raciale

Sur la tentative du pouvoir de « racialiser » ce conflit, Elie Domota, interrogé par Benoît Duquesne, dans « Complément d’enquête », diffusé le 9 mars sur France2, revenait sur les dimensions politique, sociale, coloniale de cette grève, et insistait sur le fait que le pouvoir voulait transformer une lutte de classes en lutte de races. Puis il réaffirmait que les revendications étaient avant tout sociales et pas raciales.
Sur France Info, Elie Domota défendra la même position: « Mes propos n'avaient rien de raciste, ceux qui veulent les interpréter comme tels, cela les regarde. J'évoque des problèmes d'ordres sociaux, il y en a que ça dérange...»



Épilogue judiciaire

Le 7 mars 2009, le parquet de Pointe-à-Pitre, en la personne du procureur de la République, Jean-Michel Prêtre, annonçait l'ouverture d'une enquête pour « incitation à la haine raciale et tentative d’extorsion de signatures » suite aux déclarations d’Elie Domota.
Les parquets sont directement branchés sur le pouvoir politique puisque hiérarchiquement dépendants du ministre de la Justice. Cela suffirait à expliquer l’initiative prise par le parquet de Pointe-à-Pitre. Joli tour de passe-passe sémantique autour de la question ethnique, qui fait de ceux qui réclament justice, les agresseurs.

Mais, il se pourrait bien que cette enquête demandée par le parquet n’aboutisse pas et qu’elle fonctionne juste comme un contre-feu allumé par un pouvoir qui, outre la volonté de criminaliser toute revendication sociale ou politique, cherche systématiquement le rapport de force.
Désormais, chacun attend que le parquet de Paris se saisisse des déclarations de Frédéric Lefebvre faites sur RMC.


Yves Jego, bientôt en vacances ?

Quant à Yves Jego, secrétaire d'État chargé de l’Outre-Mer, qui dénonçait dans Le Parisien, un « dérapage verbal inacceptable », ajoutant « quelle que soit l'intensité d'un conflit social, dire à une catégorie de la population "faites ça ou partez" n'est évidemment pas acceptable. Il faut que chacun revienne à l'esprit républicain.» On sentait que le cœur n'y était plus. Yves Jego compte les jours avant son limogeage du gouvernement de François Fillon, pardon, de Nicolas Sarkozy.
De mauvaises langues sussurent qu’il aurait été un peu trop efficace ou un peu trop mou, c'est selon. Comprendre qu’il avait trouvé un début de solution à la crise, mais que cela allait à l’encontre des intérêts immédiats du Medef local.
Yves Jégo effectuera du 19 au 24 mars son premier déplacement aux Antilles depuis la sortie de crise dans les deux départements d'outre-mer.

A voir aussi : Elie Domota reçoit le président du Groland

Une réaction inattendue

Eugène Saccomano, figure du journalisme sportif, qui anime sur RTL l’émission « On refait le match », a réagi à sa façon à la petite phrase de Frédéric Lefebvre.
Monsieur Eugène n’est pas content et il le dit avec son phrasé un peu spécial.

La réaction d’Eugène Saccomano

05/03/2009

Étienne Mougeotte, l'« embedded »
de la Sarkozie


Impudence ou inconscience ? L'arrivée d'Étienne Mougeotte, directeur de la rédaction du Figaro, à Charm el-Cheikh (Égypte) pour la Conférence internationale pour la reconstruction de la bande de Gaza, aux côtés de Bernard Kouchner et de Xavier Bertrand, a suscité, au-delà du buzz médiatique, interrogations, agacements et ricanements.


Canal+ nous donne des nouvelles de Mougeotte
l'« embedded »

Le buzz est parti de Canal+.
Mardi
3 mars 2009, dans le Grand Journal de Canal+, on a pu voir les images de l’arrivée de la délégation française — dans le sillage de Nicolas Sarkozy — à la Conférence internationale pour la reconstruction de la bande de Gaza qui se tenait le 2 mars à Charm el-Cheikh (Égypte).

Soixante-quinze délégations venues du monde entier, des chefs d'État, des ministres, la promesse d'une donation pour la reconstruction de Gaza de 4,5 milliards de dollars, le traditionnel ballet de limousines, de 4x4 et d'officiels. Dans l'extrait vidéo, on reconnaît Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, Xavier Bertrand, le nouveau secrétaire général de l'UMP (que fait-il là ?) et... dossiers sous le bras, Étienne Mougeotte, le directeur des rédactions du groupe Le Figaro.

Un mélange des genres qui a permis à certains commentateurs de dauber sur « l'intégration » d'un nouveau ministre au gouvernement sans que personne n'en soit averti.

Buzz sur la toile. Mais du côté de la rédaction du Figaro, les réactions sont moins vives qu'en septembre 2008, lors de l'escapade moscovite d'Étienne Mougeotte sur Air Dassault [voir « La visite faite à Poutine », ci-après]. Peut-être s'habituent-ils ?

Ainsi, Patrick Bèle, délégué SNJ du journal, interrogé par Régis Soubrouillard pour Marianne2, tente de minimiser l'affaire en déclarant : « J'ai l'impression que ce n'est rien d'autre qu'un bon gag de Canal-Plus. Il y avait peut-être des journalistes dans les autres délégations, c'est une image qui ne dit pas grand-chose, qui ne montre rien. Cela n'a rien à voir avec son déplacement à Moscou avec Dassault qui allait négocier des contrats.»


La visite faite à Poutine


Étienne Mougeotte n'en est pas à son coup d'essai.
Mi-septembre 2008, il s'était rendu en Russie dans l'avion personnel de Serge Dassault, président et actionnaire majoritaire de la Socpresse, société qui détient le quotidien Le Figaro. Serge Dassault désirait rencontrer Vladimir Poutine, le Premier ministre russe, pour l'entretenir de l'éventuel rachat par des Russes de l'usine Altis (spécialisée dans la fabrication de composants électroniques) située sur la commune de Corbeil-Essonnes dont il est maire.
Étienne Mougeotte profitait de l'occasion pour réaliser un entretien avec Vladimir Poutine, le 12 septembre 2008 à Sotchi, sur la mer Noire. La journée s'achevant par un dîner réunissant les trois hommes.

Or, l'affaire russe se révèle doublement grave.
Premier point. Dès le mercredi suivant, la société des rédacteurs du Figaro (SDR) réagissait en dénonçant un mélange des genres préjudiciable à l'image d'indépendance du journal.
Un porte-parole de la SDR soulignait à l'AFP : « C'est de nature à entraîner une suspicion et (...) ce n'est pas sain. Nous dénonçons également le fait que notre correspondant à Moscou n'avait pas été prévenu, seul point sur lequel Étienne Mougeotte reconnaît avoir commis une erreur.»

Caviardage à la Une

Second point. Sylvain Lapoix relevait, sur le site Marianne2, dans un article au titre non équivoque « Plus fort que la Pravda : Le Figaro censure Poutine », qu'Étienne Mougeotte avait caviardé une partie de l'interview de Vladimir Poutine publiée dans l'édition du 13 septembre du Figaro et carrément réécrit les passages un peu trop embarrassant ou pas assez élogieux pour Nicolas Sarkozy à propos de l'action des troupes françaises en Afghanistan et sur l'affaire géorgienne. Article titré sans vergogne : « Nicolas Sarkozy a joué un grand rôle de pacification.»
Dans sa tentative d'explication, sur le site Marianne2, Étienne Mougeotte aura, entre autres, cette défense, assez culottée : «
Ce que M. Poutine a répondu sur l'Afghanistan était extrêmement plat : il a dit que les combats étaient inefficaces, que les bombardements tuaient des civils et est ensuite parti dans une digression sur la lutte contre le trafic de drogue.»
Il semble que
Sylvain Lapoix, de Marianne2, fût alerté sur la « manip » par une blogueuse russophone qui anime le site Le salon où l'on cause, et qui avait comparé la version Figaro avec la version diffusée sur le site officiel du Premier ministre russe.

À la suite de l'
entretien de Sylvain Lapoix-Étienne Mougeotte pour Marianne2, un nouveau post sur le blog Le salon ou l'on cause reviendra sur les justifications d'Étienne Mougeotte et soulèvera quelques questions supplémentaires intéressantes.
Hasard ? Par exemple que l'interview de Vladimir
Poutine intervient à quelques jours du débat à l'Assemblée nationale sur le maintien des troupes française en Afghanistan. Le vote des députés, le 22 septembre 2008, approuvera le maintien des forces armées françaises en Afghanistan.

Mougeotte, un « embedded » frustré

Tout le monde, ou presque, connaît désormais le terme « embedded » accolé à journaliste, en particulier sur les zones de conflit où les journalistes sont intégrés aux troupes armées lorsqu'elles sortent sur le terrain.
La pratique existe depuis fort longtemps, mais elle s'est systématisée au moins depuis la Première Guerre du Golfe, en 1991. L'« embedded » c'est l' « embarqué », « l'intégré », le ballot (au deux sens du terme) qui est trimballé par les autorités, militaires, politiques... et qui diffusera la bonne parole — l'officielle — à son retour. Car l'« embarquement » n'est jamais gratuit et nécessite de faire des compromis, jamais bien loin des compromissions. Et gaffe, dans ce monde-là, on n'aime pas le « chien » qui mord la main qui le nourrit.
Reste que s'il y a
des circonstances qui nécessitent d'être « embarqué » (zone de conflits...), les journalistes doivent garder la main et prévenir toute collusion en définissant, au préalable, les règles du jeu garantissant leur indépendance.

On aura pu constater qu'Étienne Mougeotte aime le « journalisme de terrain », celui des palais nationaux,
des dîners officiels et des tapis rouges. À en croire Éric Conan, qui lui avait consacré en janvier 2009 un long portrait dans le magazine Marianne [1], le directeur des rédactions du groupe Le Figaro caresse le rêve d'appartenir au premier cercle de Nicolas Sarkozy. Et que ce dernier s'y entend à entretenir la frustration tant elle est un moteur puissant de la servilité.


1- Décidément
les journalistes de Marianne s'intéressent beaucoup à Étienne Mougeotte. Il est vrai qu'ils tiennent là « un bon client ».