25/10/2009

WhiteOut le film: recyclage et autre copier-coller

Il y a des milieux – la mode, la pub, la chanson – pour lesquels la phrase de Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », semble être parfaitement adaptée. Preuve en est la sortie de WhiteOut de Dominic Sena (60 secondes chrono, Opération Espadon…), dont l’affiche française porte comme signature une phrase déjà lue ailleurs : « Dans l’Antarctique, personne ne vous entendra crier .» On en frissonne déjà, pas seulement de froid.

Cette signature ne vous rappelle rien ?

Souvenez-vous : 1979, le premier opus de la tétralogie de cette mère sévère venue de l’espace, Alien le huitième passager, réalisé par Ridley Scott dont c’était le deuxième film. Le premier, Les Duellistes, l'avait imposé d’emblée et lui avait permis d’entreprendre ce film de SF ambitieux, avec le concours graphique du grand Giger, qui allait devenir « culte ».
La signature, sur l’affiche du film, était une vraie trouvaille.

Pour les fans de la saga Alien

affiche du film alien le 8e passager
affiche du film whiteout

















Il faut préciser que le vilain copier-coller ne concerne que l’affiche française car la signature sur l’affiche américaine est :
« See your last breath. »


Des déclinaisons infinies pour les paresseux

Suggérons à nos amis les distributeurs en mal d'inspiration quelques déclinaisons.

Bien entendu, l’avantage de ce procédé est sa plasticité
:

Le Patient anglais
ou La Prisonnière du désert… : « Dans le désert, personne ne vous entendra crier
. » Pour les films Das Boot, Le Monde du silence… : « Sous la mer, personne ne vous entendra crier. » ou variante, pour Titanic : « Au milieu de l'Atlantique-Nord, personne ne vous entendra crier. »

Plus intellectuel, plus rive gauche. Durasien : « Dans Calcutta désert personne ne vous entendra crier son nom de Venise ».
Ad libitum.
A vous de jouer.

Comme me le disait récemment un pubard philosophe :
« Pourquoi réinventer l’eau tiède tous les jours ? » C’est ses clients qui doivent être contents.

07/10/2009

Rue89 battu par soitu.es aux Awards de la presse online à San Francisco

L’Online News Association américaine (ONA) a rendu son verdict le 3 octobre 2009 à l’issue de son congrès annuel. Elle attribue, pour la deuxième année consécutive, au site espagnol soitu.es son prix dans la catégorie Site généraliste d’information hors langue anglaise. Rue89, le seul site français en compétition, repart les mains vides, de même que le site argentin lanacion.com.


L’Online News Association américaine, la plus grande association de journalistes en ligne aux États-Unis – donc hautement représentative –, a primé le site espagnol soitu.es dans une catégorie dévolue par les Anglo-saxons… au reste du monde. Le directeur adjoint du site, Borja Echevarria, a reçu le trophée pour soitu.es, comme en 2008.

Toutes catégories confondues, le New York Times a été le grand vainqueur de ces awards. Ce qui n’est ni étonnant ni immérité. Parmi les autres primés : Washington Post, BBC…

La liste des sites couronnées par l'Online News Association



¿Habla español?

L’Espagne à donc le vent en poupe en matière de journalisme en ligne. Les deux dernières années, seuls les Espagnols ont été récompensés : soitu.es et elpais.es. L’espagnol, langue familière à de nombreux Américains d’origine hispanique ou non (près de 43 millions de locuteurs aux USA – source Wikipédia), peut expliquer en grande partie cette constance.

Mais les mérites de soitu.es sont réels. Le site, qui a fait le pari de la qualité en matière d’information tout en accordant une large place au collaboratif, avec des formats originaux, comme celui des correspondants internationaux pour la vida urbana, invente, expérimente, parfois avec un peu trop de profusion, tout en conservant une exigence sur le plan journalistique.


Comment obtenir un award ?

L’ONA motive l’attribution de son award à soitu.es en mettant en avant la politique très Web.2.0 du site, c'est-à-dire par l’importance qu’il donne au participatif, mais aussi par l’addition efficace d’informations exclusives et d’outils agrégatifs comme son module El Selector de Noticias. Cet agrégateur s’avère être ni plus ni moins qu’une revue du Web (en anglais et en espagnol) mais offre une vraie originalité du point de vue de l’ergonomie et de la mise en page.

Ce qui a déterminé l’ONA, c’est le mélange de journalisme traditionnel — le côté pro, qui respecte les usages de la profession — et l’utilisation d’outils spécifiquement Web pour aboutir à une formule qualifiée par l’association américaine de « fresh », tous éléments concourant à la création et au développement d’une authentique marque et à l’imposer comme telle.


soitu.es face à la crise économique

L’obtention de ce prix arrive opportunément pour soitu.es, car après moins de deux ans d’existence (créé à la toute fin 2007), la BBVA, la banque qui accompagnait le site depuis sa création, en tant qu’actionnaire minoritaire, le lâche. Ce pure player, qui n’est donc pas adossé à un journal papier, a dû déjà licencier une quinzaine de personnes sur les 38 employées, et ne peut plus compter que sur la pub comme source de revenus (800 000 euros en 2009).
Le contexte de crise économique étranglant un peu plus la rédaction.


Comme plusieurs pure players, soitu.es, qui s'est imposé comme un site de référence sur le Web en matière d’information, et qui a connu un développement fulgurant — en un peu plus d'un an soitu.es est passé de la catégorie small site à celle de site comptant plus d'1 million de visiteurs uniques par mois) fse trouve confronté à la fragilité de son modèle économique et doit trouver de nouvelles sources de revenue sous peine de disparaître.




Soitu.es et Rue 89, des « transfuges » rencontrent « des transfuges »

Adversaires finalistes des Awards de l’ONA dans la catégorie des sites de plus de 1 million de visiteurs uniques hors langue anglaise, soitu.es et Rue89 ont plus d’un point commun et se connaissent même plutôt bien.

D’un côté, des « transfuges » du site Web d’El Mundo (un des deux grands quotidiens espagnols, l’autre étant
El Pais
).

En effet, une quinzaine de journalistes ont quitté en bloc, en 2006, le site d’El Mundo car ils refusaient une reprise en main de la ligne éditoriale à leurs yeux trop droitière, mais aussi afin de contester les orientations managériales du directeur, Pedro J. Ramírez (dit Pedro J.).


A la tête de cette fronde, le rédacteur en chef, Gumersindo Lafuente, considéré comme une référence dans l’information sur le Web en Espagne et qui avait hissé le site à la première place des sites de la Péninsule. C’est cette équipe qui a formé le noyau dur de soitu.es, bientôt rejoint par d’autres journalistes.

De l’autre, Rue89, fondé quelques mois avant soitu.es, en mai 2007 par des « transfuges » du quotidien Libération : Pierre Haski, Pascal Riché, Laurent Mauriac (et des non-journalistes comme Michel Lévy-Provençal, qui a quitté le journal et blogue sous le nom de mikiane).


Fin 2007, dès le lancement de soitu.es, les deux rédactions ont signé un accord de partenariat portant sur un échange de contenu. A cette occasion, Borja Echevarria, le directeur adjoint de soitu.es, et ancien correspondant à Washington, s’est rendu à Paris afin de rencontrer la direction de Rue89 (photo ci-dessus).

Actuellement, la journaliste Elodie Cuzin, basée à Madrid, fait le lien en travaillant pour les deux sites et la « Selection de noticias » reprend des articles du site parisien.



Attaques contre la presse online

Cette joute entre les deux sites pour l'obtention d'un award de la presse online, joute finalement amicale sur fond collaboratif, change des querelles industrielles et autres coups fourrés des grands groupes de (de moins en moins) presse uniquement tournés vers la prédation, les fusions-acquisitions et les retours sur investissement à deux chiffres.

Et plus particulièrement, à un moment, où les médias traditionnels, paniqués, débordés, pensant avec des logiques inadaptées, attaquent le Web avec des arguments ressassés qui font rimer « Internet » avec « pas net » et « presse en ligne » avec « indigne ».



A consulter :
Rue89 finaliste des Awards de l'Online News Association

Eric Scherer (membre de l’Awards Committee et de l’International Committee de l'ONA et l’un des juges de des prix) sur AFP Mediawatch : Journalisme en ligne : Soitu et le NYT primés à San Francisco

Dans Rue89, 12 09 2009, Pierre Haski répond à ceux qui veulent faire « d'Internet, le bouc émissaire des lâchetés journalistiques ».


Pour le lancement de soitu.es début 2008, la rédaction a communiqué au travers d’un feuilleton en quatre petits films, d’un humour teinté de dérision, parfumé aux années 1970 et légèrement « brick and mortar ».