Dominique de Villepin lançait, le 25 mars 2010, au Press Club de France, à Paris, son mouvement, le Club Villepin, dévolu à sa seule personne. Ce lancement s'avérait n'être qu'un leurre pour parterre de journalistes, un faux départ, une façon de profiter de la déroute de l'UMP aux élections régionales de 2010. Il n'était que le prélude à la création, officielle cette fois, d'un nouveau parti — à ce jour sans nom — lors d'un congrès qui aura lieu le 19 juin 2010 (à Villepinte ?). En quelque sorte, l'Appel du 19-Juin. Mais auparavant, comme dans toute bonne famille, soit-elle politique, il y avait l'enfant caché de l'ancien Premier ministre : Courage République.
Intervention de Dominique de Villepin, le 25 mars 2010
au Press Club de France à Paris.
Une troublante anticipation politique de Dominique de Villepin
Bizarrement, quasiment personne n'a relevé, hormis Le Canard enchaîné (2006), que les statuts de ce « parti villepiniste », ou de son embryon associatif, furent déposés — selon les propos-mêmes de Brigitte Girardin, initiatrice et présidente du Club Villepin — par Dominique de Villepin lui-même, alors Premier ministre, à la fin de 2006, sous le nom évocateur de Courage République.
Le Journal officiel témoigne
Nous pouvons retrouver trace, via Le Journal officiel (J.O.), de la déclaration de la création de Courage République, sous forme d'association, faite le 13 novembre 2006.
Déclaration déposée à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) par Alain Cabras, un ex-science Po-Aix-en-Provence travaillant dans la communication et les relations publiques. Le nom de Dominique de Villepin n'apparaît pas.
Les liens entre Alain Cabras et Dominique de Villepin restent obscurs, à part une intervention au cours d'un séminaire organisé justement par Alain Cabras. Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères intervenait, le 15 décembre 2003, sur le thème : « La France et l'Europe à l'épreuve du monde.»
Ci-dessus, la déclaration faite au Journal officiel. Pour lire le texte, agrandir en cliquant sur l'image.
Le dépôt au Journal officiel de Courage République n'a qu'un but déclaré, pouvoir légalement recueillir de l'argent, nerf de la guerre pour toute formation politique.
Les termes de la déclaration faite au Journal officiel sont explicites : « Objet : recueillir les cotisations et les dons destinés au financement de l’association Courage République. » Cela dit c'est la voie légale.
Nous pouvons en conclure que ce qui pouvait faire figure d'engagement, dicté par les circonstances politiques exceptionnelles, crise mondiale oblige, que traverse le pays, a donc été mûrement réfléchi et s'inscrit dans une stratégie à long terme de prise du pouvoir.
Et, pour être complet, il faut lire la décision du 12 mars 2007, publié au Journal officiel n°79 du 3 avril 2007, portant agrément d'associations de financement d'un parti ou d'une organisation politique, donne agrément à l'association Courage République pour le financement d'un parti politique. Devinez lequel désormais.
Le bon tempo médiatique et politique de Galouzeau de Villepin
Alors, non-événement, que cette conférence de presse du 25 mars 2010, ou inscription dans le bon tempo politico-médiatique ?
En effet, profitant de la déroute de l'UMP aux élections régionales de 2010 — famille politique à laquelle il appartient toujours, mais comme il n'est pas élu, cela ne prête pas à conséquence, un pied dedans, un pied dehors — Galouzeau de Villepin a jeté son cri de ralliement, en cette fin mars, vers de maigres troupes, mais de nombreux journalistes. Coup de communication réussi, le ministère de la Parole se porte bien.
Fait plus que saillant, d'entrée, Dominique de Villepin, comme s'il était déjà président de la République française (son imagination féconde le prédispose à ce genre d'anticipation), déclare : « J'ai entendu le message des français.» Sans Commentaires.
Donnez-nous notre Club Villepin quotidien
A le regarder attentivement, ce club politique ressemble à un curieux attelage. On y trouve, en toute logique des souverainistes, mais aussi de nombreux libéraux et ultra-libéraux, voire, si l'on en croit les déclarations du club lui-même, des déçus de la gauche.
Mais ce Club Villepin, on ne peut s'empêcher de l'imaginer bien ancré au sein de la majorité présidentielle UMP, malgré les dénégations et les envolées verbales coulées dans le plomb habituel des lieux communs de la politique française.
C'est pourquoi, le 4 avril 2010, DVD (Dominique de Villepin) a sans doute voulu marquer sa différence en se déclarant opposé à des primaires au sein de l'UMP, contraire « à la tradition politique » (comprendre celle que, lui, Dominique de Villepin incarne) et à « l'esprit du gaullisme » (comprendre : seul un homme providentiel, au-dessus des partis, peut sauver la France). Mais, s'il n'appartient plus à cette famille, à quoi bon s'en préoccuper.
Le club politique de l'ancien chef du gouvernement est présidé par l'ancienne secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Brigitte Girardin (ci-dessus), que le président de la République, Nicolas Sarkozy, a mis sévèrement au piquet. En effet, l'ancienne sous-ministre se trouve sans affectation depuis qu'elle a rejoint son corps d'origine — la diplomatie — au ministère des Affaires étrangères. Elle n'a bénéficié, malgré son poste à l'outre-mer, d'aucun avancement de carrière auquel elle aurait pu prétendre et a retrouvé de la sorte ses grade et ancienneté initiaux.
Villepin et son club politique virtuel
Le Club Villepin revendique 15 000 adhérents (chiffre de mars 2010), mais sont inclus les sympathisants des réseaux sociaux, pour qui l'inscription est gratuite, pour les autres, les plus modestes, c'est minimum 10 euros d'inscription.
Selon Brigitte Girardin, la présidente du Club Villepin, ils viennent de tout bord, socialistes, MoDem et même du PCF (Parti communiste français) mais sans renier leur identité. Ils auraient tous en commun l'esprit républicain et « une exigence de justice sociale ».
Le mouvement compte quelques élus, ralliés au panache blanc de Galouzeau de Villepin, parmi ceux-ci les députés, Guy Goeffroy (Seine-et-Marne), Jean-Pierre Grand (Hérault), François Goulard (Morbihan), Hervé Mariton (Drôme), Marie-Anne Montchamp (Val-de-Marne) ou Georges Tron, maire de Draveil (Essonne) qui a accepté le poste de secrétaire d'Etat à la Fonction publique, lors du mini-remaniement ministériel de mars 2010.
Le ralliement à la Sarkozie de Georges Tron augure mal de la détermination de ces « rebelles » de la Villepinie.
Que se passera-t-il le 19 juin 2010, lors de la création effective du nouveau parti villepiniste ?
On imagine mal ces notables locaux rompre avec l'UMP et abandonner leur mandat électif.
Faudrait pas pousser, diront certains. Le courage politique des « gaullistes de confort » s'arrêtera-t-il aux prébendes et hochets de la République ?
Ci-dessus, la lettre type de Dominique de Villepin adressée aux nouveaux adhérents de son club.
La tentation du bonapartisme
Le discours actuel du Club Villepin pourrait changer et se « radicaliser » à partir du 19 juin 2010, mais une ambiguïté demeure. Car le futur parti de DVD qui, par anticipation, se déclare au-delà des partis, nous rappelle que, sauf séisme national (la Patrie en danger, une guerre…) le type de discours qu'il tient, à base d'incantation, relève, profondément, d'une certaine droite qui est une droite certaine. De cette droite plébiscitaire, de nature bonapartiste, et qui a pour surgeon au XXe siècle, certaines formes du gaullisme. Un façon de gouverner qui a horreur des corps intermédiaires et de la représentation nationale.
D'une droite qui a le visage de l'autoritarisme et qui, prônant la fusion nationale (plus de droite, plus de gauche, le peuple et les élites soudés face à un danger commun) ne veut qu'entériner l'ordre des choses, c'est-à-dire l'ordre établi.
Dominique de Villepin n'a pas écrit impunément trois ouvrages sur Napoléon Bonaparte, sans en avoir su tirer quelques leçons.
Villepin plébiscité ? mais toujours pas élu !
L'ancien Premier ministre, jamais élu, mais persuadé qu'il aura un destin grâce au suffrage universel, faisant table rase de son propre passé (et passif) politique, a décidé de faire don de son corps, non pas à la science, mais à la France… sociale si nécessaire. Voir sa condamnation du bouclier fiscal, auquel tient tant Nicolas Sarkozy, et son recours au mot « social » lui-même et aux maux dont souffrent la France.
Sur ce plan, il a déjà un adversaire, tout à fait inattendu, Alain Juppé (voir son blog-notes, dans lequel il livre des réflexions et des propositions qui demeurent, à les lire, pas très originales mais bien à droite).
Qui aurait imaginé que ce dernier, qui jeta, par ses réformes et sa psychorigidité, la France laborieuse dans la rue en décembre 1995, cachait un rien de rouge bordeaux sous le bleu marine de ses orientations politiques. Lui aussi dit non à ce fameux et funeste bouclier fiscal, qui s'apparente techniquement à un plafonnement des impôts directs.
En vue de la Présidentielle de 2012, nombreux sont, parmi les prétendants à la magistrature suprême, ceux qui se disent, in petto, qu'ils peuvent enfin « fendre l'armure » et peuvent envoyer paître, comme le maire de Bordeaux, la fameuse « tentation de Venise » ou, pour DVD, remettre à plus tard la publication d'un nouveau recueil de poèmes à la NRF.
La période qui s'ouvre redevient propice aux promesses politiques qui n'engagent à rien. Sinon les électeurs.
Villepin a-t-il viré sa cuti sociale ? Rappel de vaccination politique
Pour ceux qui auraient la mémoire défaillante, rappelons que Dominique de Villepin occupa, entre autres fonctions officielles, celles de Premier ministre de mai 2005 à mai 2007 :
C'est, en septembre 2005, l'intervention héliportée du GIGN (groupement d'intervention de la gendarmerie nationale) contre les marins syndicalistes en colère de la SNCM (voir photo ci-contre). Quelques membres du Syndicat des travailleurs corses (STC) se sont emparés, sous la conduite d'Alain Mosconi, du Pascal Paoli, un navire mixte, pour protester contre la privatisation de la compagnie et pour rallier Bastia (Corse).
A peine un mois plus tard, Ce sont les émeutes des quartiers populaires de novembre 2005, après la mort brutale de Zyed Benna et Bouna Traoré, 17 et 15 ans, le 27 octobre à Clichy-sous-Bois, conséquence d'une intervention, injustifiée, d'une patrouille de la BAC (brigade anticriminalité).
Face à cet incendie populaire, à bout d'argument et incapable d'une solution intelligente, le chef du gouvernement déclare l'état d'urgence, puis le couvre-feu.
Mesures exceptionnelles — alors que le pays flambe comme jamais — charriant avec elles des relents historiques de colonialisme et de Guerre d'Algérie. Aucun gouvernement français ne l'avait appliqué depuis cette-même Guerre d'Algérie, sauf en 1984, pour les troubles en Nouvelle-Calédonie, sous le Premier ministre de gauche, Laurent Fabius.
Peut-être l'amateur d'épopée napoléonienne, qu'est Dominique de Villepin, voyait-il dans les citées françaises en flammes, Moscou incendié par le comte Rostopchine en septembre-octobre 1812, devant Napoléon et ses armées.
Scènes inédites en France, depuis au moins 1968, mais comme le veut la formule publicitaire : « Vu à la télévision ».
Certains électeurs trouveront ces mesures appropriées, mais il n'est pas sûr que ce sont ces suffrages-là que Galouzeau de Villepin recherche pour 2012.
A cet égard, Des hommes d'Etat (Grasset), le livre de Bruno le Maire (à cette époque, directeur de
cabinet du « grand homme »), peut-être a contrario de ses intentions, laisse l'impression édifiante, sur ces événements, d'une certaine « vacance » du pouvoir. Cela vaut pour Jacques Chirac, en coma politique dépassé après son accident vasculaire cérébral - AVS (septembre 2005), pour Dominique de Villepin, toujours droit dans ses bottes de maréchal d'Empire et pour Nicolas Sarkozy (ministre de l'Intérieur) qui laisse filer… Après lui le déluge.
Par exemple, on y lit, à la date du 5 décembre 2005 - Paris - Matignon :
Seconde injection : CPE, bouclier fiscal et le fiasco colombiencabinet du « grand homme »), peut-être a contrario de ses intentions, laisse l'impression édifiante, sur ces événements, d'une certaine « vacance » du pouvoir. Cela vaut pour Jacques Chirac, en coma politique dépassé après son accident vasculaire cérébral - AVS (septembre 2005), pour Dominique de Villepin, toujours droit dans ses bottes de maréchal d'Empire et pour Nicolas Sarkozy (ministre de l'Intérieur) qui laisse filer… Après lui le déluge.
Par exemple, on y lit, à la date du 5 décembre 2005 - Paris - Matignon :
« Le déchaînement de violences laisse la plupart des responsables politiques impuissants, les ministres encore d'avantage que les maires. Personne ne peut comprendre la haine festive qui se répand sur les blogs. Personne ne peut partager l'appétit de destruction qui gagne presque tous les quartiers difficiles de France. »On ne sautait mieux dire.
Dominique de Villepin, c'est le CPE (contrat première embauche), voté en avril 2006 — sorte de monstre directement sorti des éprouvettes de la pensée technocratique — qui jette dans la rue, pendant des semaines, des milliers de lycéens et d'étudiants. Ils sont soutenus par les partis politiques de gauche et les syndicats qui dénoncent un dispositif propre à engendrer plus de précarité et qui s'attaque au Code du travail et donc au droit commun. Là encore, le Premier ministre prône le dialogue, mais affirme que la loi a été votée par le Parlement et qu'elle sera appliquée.
C'est la création du Bouclier fiscal, première manière, inscrit dans la loi de finance de 2006, avec, il est vrai un plafond à 60 %.
C'est, façon Hergé, la « tintinesque » aventure aéro-amazonienne, à Manaus (Brésil), en juillet 2003, pour libérer Ingrid Betancourt (son ancienne étudiante à Science-Po et amie) des griffes des FARC (guérilla marxiste de Colombie), après on ne sait quelles obscures tractations.
Ainsi, sur ordre personnel de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères (de 2002 à 2004) un Hercule C-130 s'envole, direction Manaus (Brésil) avec à bord une dizaine d'agents français et semble-t-il, son chef adjoint au cabinet, Pierre-Henri Guignard. Il s'agit pour DVD de griller Nicolas Sarkozy, en partance, lui aussi, pour la Colombie avec le même objectif, faire libérer Ingrid Betancourt.
Résultat : un fiasco.
Mais aussi, d'une part, une grosse colère des autorités brésiliennes et colombiennes, qui auraient souhaité qu'on les considère comme des états souverains et pas un terrain de jeux pour politiciens hexagonaux. D'autant que pour les Colombiens, la question des enlèvements est un sujet ultrasensible.
Et du côté brésilien, l'hebdomadaire Carta Capital, de Bob Fernandes, évoquera une possible livraison d'armes aux FARC, comme monnaie d'échange. Carta Capital semble avoir été informé par des « fuites officielles » de hauts responsables de l'Etat.
Et d'autre part, par l'humiliation et l'affaiblissement de la DGSE (services secrets français) impliquée dans ce fiasco, à son corps défendant.
Enfin, nous ne reviendrons pas sur cette ténébreuse affaire Clearstream.
Galouzeau de Villepin, en première instance (janvier 2010) a bénéficié d'un non-lieu et le parquet, par la voix du procureur de la République, Jean-Claude Marin, à fait appel du jugement. Mais, même un ancien Premier ministre doit pouvoir bénéficier de la présomption d'innocence.
La guerre des mots est ouverte
Dans la perspective de 2012, Dominique de Villepin va-t-il nous déclarer, la main sur le cœur, à l'instar de Nicolas Sarkozy au Congrès de l'UMP de janvier 2007 :
Quoi que l'on pense, sur le plan politique, de Dominique de Villepin, il est tout de même quelques crans au-dessus de celui qui, par exemple, en 1960, n'aurait certainement pas décroché le certificat d'études. DVD a du vocabulaire, même si son lexique, souvent se résume au Lagarde et Michard de la politique. Il peut donc faire appel à d'autres atouts que cette fausse sincérité de comices agricoles. Avec lui, nous croiserons plutôt du côté de Lamartine que de Dumas, comprendre Mireille Dumas.« J'ai changé parce que les épreuves de la vie m'ont changé. Je veux le dire avec pudeur, mais je veux le dire parce que c'est la vérité et parce qu'on ne peut pas comprendre la peine de l'autre si on ne l'a pas éprouvée soi-même. »
Après deux ans de présidence, nous sommes édifiés.
Mais le lyrisme et l'emphase ne font ni une politique, ni ne déterminent un caractère, bien au contraire. Ils nous appellent plutôt à la vigilance.
Lire : Le procès Villepin, Laurent Valdiguié, Stock, 2010.
Lire aussi le billet sur les livres (d'inégales valeurs) consacrés au narcisse de la politique : soit Dominique de Villepin vu par Anna Cabana, Laurent Valdiguié, Bruno Le Maire, Abel Lanzac et Christophe Blain, et Jean Saint-Iran; nonobstant quelques ouvrages déjà oubliés : « Dominique de Villepin ou l'impossible biographie de Narcisse en politique ».
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