05/02/2009


Françoise Laborde : du journalisme "low-cost" au CSA





Françoise L
aborde, ex-journaliste sur France 2, nommée au CSA par Nicolas Sarkozy, le 24 janvier 2009, tenait une semaine auparavant un curieux discours sur le métier de journaliste, dans l’émission « Eclectik » diffusée sur France Inter. Un discours qui a dû plaire au chef de l’État.



Le 17 janvier 2009, en marge des vœux à la presse de François Fillon, Françoise Laborde, au micro d’Antoine Ly, dans « Éclectik », exprimait de façon quelque peu méprisante et faussement humble sa conception du journalisme.
Rédactrice en chef de « Télématin », intervieweuse politique des « 4 vérités » et « joker » du 13 heures et du 20 heures de France 2, à ce titre, François Laborde est représentative de l’information pour le grand public et responsable vis-à-vis de lui. Les curieux propos qui suivent l’engagent d’autant plus.

L’interview de Françoise Laborde par Antoine Ly pour « Éclectik »


Verbatim


Antoine Ly : Comment ça se passe quand vous êtes en conférence de rédaction. Est-ce qu’il y a débat sur l’intérêt de couvrir un déplacement de Nicolas Sarkozy ?


Françoise Laborde :
Il ne peut pas y avoir débat. D’abord, moi je serais très choquée qu’il y ait débat, en tant que journaliste. Parce que je trouve que voilà, c’est le président de la République, il fait un déplacement, on le suit, point final.
Le propre du journaliste, c’est que l’on va couvrir l’actualité, après on se pose la question : quel écho on donne à ce déplacement, suivant que l’on travaille dans tel ou tel support, suivant que le journaliste juge que c’est plus ou moins important. Nous ne sommes là que pour rendre compte.


Antoine Ly : Notre boulot… on est censé creuser, vérifier, savoir si telle annonce est possible ou pas. Est-ce que c’est de la communication ou une vraie action politique…

Françoise Laborde :
Non, non, je ne suis pas d’accord avec vous. C’est n’importe quoi. Non…

Antoine Ly : … Telle somme annoncée, est-ce que c’est possible, est-ce qu’on a l’argent, est-ce que l’État a l’argent à mettre sur la table…

Françoise Laborde :
Attendez mon pauvre enfant, excusez-moi de vous dire ça, mais si les journalistes avaient la moindre idée de la vérité des chiffres, on l’aurait remarqué depuis longtemps.
Il faut arrêter de penser que le journaliste tout seul devant son écran d’ordinateur va avoir la vérité révélée et se dire, ah mon Dieu, c’est bon pour le budget de la France ! ou c’est mauvais pour le budget de la France. Ni vous ni moi n’en avons la moindre idée. Le travail du journaliste, c’est d’abord, hélas, et c’est sans doute ce qu’il y a de plus difficile, l’éloge de la modestie. Et la modestie, c’est de dire, un moment donné, qu’en effet on ne sait pas, qu’en effet on se contente de rendre compte.

Antoine Ly : Dans chaque service, il y a des spécialistes économiques, enfin tout ce que vous voulez, qui sont censés creuser une question…

Françoise Laborde :
Vous en connaissez beaucoup qui sont capables de creuser une question ? Franchement, dans les services où on est, vous en connaissez
? Moi je n’en connais pas.


Un journalisme de passe-plats

Derrière la fausse humilité, mais la vraie condescendance de ces déclarations, le journaliste selon Laborde est réduit à n’être plus qu’une caisse de résonance, un porte-voix — voire parfois un « porte-flingue » —, pour les services de com, avec leur argent, leurs moyens, leurs équipes, leurs réseaux, à la manœuvre pour les partis, les institutions, les entreprises, les lobbies et autres groupes de pression de toutes espèces.
En substance, pour l’ex-présentatrice des JT de France 2,
le «
gentil-journaliste-qui-sait-rester-humble », ne comprenant pas grand-chose
aux sujets qu’il traite, rivé à son desk, doit diffuser la bonne parole des dircom et des experts et pratiquer sans recul, ni réflexion, ce que les communicants appellent la « fonction d’
agenda ». Surtout quand il s’agit de l’agenda du président de la République ; le journaliste comme supplétif des plans média quoi.

Exit le rôle de filtre, le travail de décryptage. Les pouvoirs peuvent dormir tranquille et continuer leur storytelling sans qu’un grain de sable ne vienne gripper leur belle mécanique narrative.


Une précision : pour qui en douterait, Françoise Laborde n’est pas une brebis égarée du journalisme. Il suffit d’observer la façon dont les faits sont traités, en particulier dans les JT, pour s’en convaincre.
Le journalisme selon Laborde c’est le journalisme « low cost » dont rêve Nicolas Sarkozy : un journalisme qui sait se tenir à table, mais en bout de table.
En somme un journalisme de passe-plats. Quel en
est dès lors la nécessité ?

Françoise contre Arlette : ambitions déçues à France 2

Ses ex-confrères apprécieront sans doute les déclarations de Françoise Laborde à leurs justes valeurs. Mais, l’animosité et même le mépris, à peine voilé, qu’elle affiche envers la profession et, peut-être en filigrane envers ses petits camarades de France 2, pourraient s’expliquer à la lumière des indiscrétions qui circulaient (Le Point) sur les ambitions de Françoise Laborde au sein de France 2 : elle se serait bien vue à la place d’Arlette Chabot, avec qui la guerre était déclarée, à la direction de l’information.
Or, après ses déclarations intempestives, au cours de l’été 2008, contre le service public et ses dirigeants, Françoise Laborde, bien qu’elle ait déclaré dans la presse TV « qu’elle ne se laisserait pas faire » et dans Marianne2 :
« S'ils continuent de me faire chier, je saisirai les instances juridiques compétentes », la toute nouvelle déléguée syndicale CGC avait été mise au piquet à la rentrée de cette même année par la direction, ne conservant que les remplacements d’Elise Lucet au 13 heures et ne présentant plus « Les 4 vérités » qu’en alternance avec Olivier Galzi. Elle voyait ainsi ses espoirs définitivement ruinés.


CSA : Un lot de consolation ?

Grillée sur France 2, Françoise Laborde nommée au CSA, cela tombe pile. En outre, en cette période de crise, elle n’a pas tout perdu puisque, pendant la durée de son mandat de six ans, elle percevra la modique somme de 8 000 € par mois. Cette rémunération sera versée durant les six ans du mandat et l’année suivant la fin dudit contrat. Cette disposition étant valable pour tous les membres du CSA. Pourquoi bénéficient-ils de ce régime de faveur ? Mystère. La place s’avère donc bonne, et, paraît-il, laisse des loisirs.

Un tout petit monde


La vice-présidente du Press Club de France siègera avec une connaissance, l’ex-LCI Christine Kelly, tout juste nommée par Gérard Larcher, président du Sénat. Ch. Kelly, qui a commis, n’y voyons aucun rapport, la biographie « autorisée » François Fillon, le secret et l’ambition, Éditions du moment, 2007. Ch. Kelly, autre vice-présidente de ce Press Club de France, décidément très couru, dont le président en exercice — le monde des médias est minuscule — n’est autre qu’Olivier Galzi, l’autre « joker » des JT de France 2 qui a piqué la place de Françoise Laborde en septembre 2008.

La châtelaine récidiviste

La sœur de Catherine Laborde, Madame-météo-de-TF1, n’en est pas à son coup d’essai. La parution de son livre Tribulations d'une femme d'aujourd'hui : ça va mieux en le disant !, éditions Fayard, 2008 avait suscité la polémique. Au détour d’un chapitre, elle y stigmatise les fonctionnaires, leurs régimes spéciaux, la défense de leurs petits intérêts catégoriels et leur obsession de la retraite. Il est vrai que Madame est châtelaine et viticultrice dans le Gers à ses moments perdus (sur son site et sur Flickr on peut la voir, déguisée en religieuse faire la fête des vendanges en son château monastère de Saint-Mont avec J.-P. Coffe et Faudel, entre autres). Elle n’a donc peut-être pas de souci pour sa retraite.

Mais surtout elle conclue sa charge par une grotesque et insultante mise en cause des cheminots et de leur rôle pendant la Seconde Guerre mondiale :


Extrait :
« La SNCF se targue d’être un modèle de solidarité sociale, mais nul n’ose rappeler que les trains de la mort qui emmenaient juifs et résistants vers les camps d’extermination n’ont jamais été stoppés par des grévistes et sont toujours arrivés à l’heure, leur prestation payée, rubis sur l’ongle, par les nazis. Sans les trains français, comment la déportation aurait-elle pu avoir lieu ? Les cheminots héros de la Résistance dans La Bataille du rail, voilà une imposture historique extrapolée et véhiculée par les « camarades » après la guerre... » En réponse, certains cheminots lui avaient adressé une volée de graviers (ballast oblige) sur le forum cheminot.fr et la réponse argumentée du syndicaliste Maurice Samson (membre du BN/UFR et représentant retraités au CA/CPRP) sur le site bella ciao.

Le service public dans la ligne de mire

Le journalisme mène à tout, même au CSA. Gageons que depuis son bureau de la Tour Mirabeau, Françoise Laborde, désormais une « sage », mais que l’on dit pugnace, saura se souvenir de ses anciens collègues de France Télévisions et sera un parfait relais pour la politique de démantèlement du service public entreprit par Nicolas Sarkozy à travers sa loi sur l’audiovisuel public.

Compléments sur la question:

Acrimed met le feu aux poudres sur la question des cheminots. 28 novembre 2008







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