13/02/2009

BHL, les « salopards » et le nain






Pendant plusieurs mois, Éric Dahan, ex-chroniqueur mondain du night clubbing à Libération et réalisateur « branchouille », a suivi BHL autour du monde pour réaliser son portrait. À l’occasion de la diffusion de Bernard-Henri Lévy ou la déraison dans l’histoire sur France 5, le 6 février 2009, dans la collection Empreintes, les deux compères, en promo, étaient reçus sur France Inter par Colombe Schneck dans « J’ai mes sources ».




Eric Dahan et Bernard-Henri Levy.«J'ai mes sources». France Inter

BHL : des « salopards » se glissent dans l'autopromotion

Complaisamment interviewé par Colombe Schneck et Renaud Revel de
L’Express ; BHL ironise, à l’évocation sonore de l'émission « Apostrophe
» du 27 mai 1977, qui allait signer le lancement médiatique des « nouveaux philosophes », sur François Aubral, co-auteur avec Xavier Delcourt d’un des premiers essais critiques sur les « nouveaux philosophes », Contre la nouvelle philosophie, Gallimard, 1977 : « C'est le début de la gloire pour le zèbre qu'on vient d'entendre [...] », et d'ajouter, « des espèces de personnages comme celui-là, je l'avais oublié d'ailleurs, il ressort du tombeau ».

Jusqu'à présent, le ton est courtois, les invités boivent du thé, nous sommes entre gens de bonne compagnie. Pas de quoi s’énerver donc.
Au milieu de ce ronronnement autopromotionnel où « Bernard et Éric » font assaut de compliments et de flagornerie; au détour d’une question de Renaud Revel, posée fort poliment, portant sur le danger de tomber, dans ce genre d'exercice filmé, dans « l'autocélébration un peu pompeuse ».

BHL, pesant bien ses mots, lâche :
« Le vrai danger, c’est quand des salopards viennent, comme vous dites, de votre vivant, comme si vous étiez déjà mort, venir fouiller dans vos secrets, venir fouiller dans vos archives et écrivent des tombereaux de cochonneries sur votre compte, ça c’est le vrai danger. »
« Salopards » rimant, on l'aura compris, avec « charognards ».

On suppose qu'il s'en prend aux journalistes qui ont enquêté sur lui et accessoirement sur ses amis. Les biographies qu'ils lui ont consacrées, bien que d’inégales valeurs, avaient pour la plupart le mérite de mettre à nu, de façon substantielle, les techniques promotionnelles de l’homme-à-la-chemise-blanche-griffée-Charvet (350 € pièce), de rappeler aussi les petits et grands mensonges, les petites et grandes impostures du « grand-homme-de-lettre-et-néanmoins-homme-d'affaires, adepte du « romanquête » et du « journalisme transcendantal », selon l’expression de Maurice Clavel, figure tutélaire de la Gauche prolétarienne, que certains s'ingénient à prendre pour le seul mouvement maoïste en France de l'époque (circa 1968).


Q
ui sont les « salopards » ? :

« Salopard » Philippe Cohen ? Sa biographie, fouillée, précise, se montre à certains égards presque affectueuse. Une affection un peu vacharde, certes.

« Salopards » Jade Lindgaard et Xavier de la Porte ?

« Salopard » Philippe Boggio ? Là, on peut en douter. Son livre a reçu quelques encouragements implicites du Maître. Philippe Boggio, par ailleurs biographe de Coluche et de Johnny Hallyday.

« Salopards » Nicolas Beau et Olivier Toscer ?

On pourrait ajouter, plus récemment, les journalistes du site Bakchich.info.


Que Bernard-Henri Lévy s’explique et nous dise nommément qui sont le salopards
.


L’entarté de service

Il est étonnant de voir de quel manque de sang-froid fait preuve « l’ancien combattant bosniaque ». Verbalement, mais aussi physiquement.
On prend la mesure de toute la charge agressive du milliardaire et, néanmoins, ceinture noire de judo, sans humour, en voyant sa réaction après l’attentat… pâtissier, perpétré par
Noël Godin alias Le Gloupier.
Prêt à molester le malheureux, tombé à terre, il l'invective d’un « Lève-toi, lève-toi, ou je t’écrase la gueule à coup de talon ! ». Quand dire ce n'est pas faire.
Notre warrior s’imaginait peut-être dans une sorte de fight-club avant la lettre.
Dans son BHL, Philippe Cohen cite une phrase tirée d'une interview de VSD
(mai 2004) dans laquelle Bernard-Henri Lévy déclare : « J'ai l'air policé, mais au fond je suis violent. » La violence à visage humain.
Laissons la conclusion à Pierre Desproges, qui s’exprime au micro de Michel Denisot, à la fin de la séquence vidéo. On ne saurait mieux dire.


Un zèbre peut en cacher d’autres

Si, comme s'en gausse BHL, le public a oublié ces « zèbres » d’Aubral et Delcourt — tout le monde n’a pas les moyens et les réseaux pour squatter les médias — a-t-on oublié Gilles Deleuze ?

Dans un petit supplément au n° 24 de la revue Minuit, mai 1977, à la question, Que penses-tu des « nouveaux philosophes ? »
Deleuze, laconique, réponds : « Rien. Je crois que leur pensée est nulle. » Et d’expliquer pourquoi.

On pourrait égrener quelques autres noms d’envieux, de jaloux, « d’intellectuels mineurs » : Cornélius Castoriadis, Jacques Derrida, Raymond Aron, Pierre Bourdieu...


Prenons juste un exemple : la réaction du grand helléniste et grand humaniste Pierre Vidal-Naquet à la lecture du
Testament de Dieu, Grasset & Fasquelle, 1979. Elle éclaire le sentiment qu'inspirent ces ouvrages aux auteurs sérieux.

BHL, collectionneur de perles

Pierre Vidal-Naquet dans le tome 2 de ses Mémoires (Le Seuil-La Découverte, 1998), écrit :
« Ce que je lus me consterna : erreurs énormes, citations fausse, affirmations délirantes, on trouvait de tout dans ce livre, sauf une connaissance sérieuse du judaïsme ou de l'hellénisme. [...] Je fis une jolie collection de perles dont la plus belle était une citation de la déposition de Heinrich Himmler au procès de Nuremberg. Or,
Himmler s'était suicidé après son arrestation par les troupes anglaises, le 23 mai 1945.»

Pour l'anecdote.
Pierre Vidal-Naquet, ulcéré par toutes ces perles « dignes d'un médiocre candidat au baccalauréat », adresse une lettre à Jean Daniel, pour publication dans Le Nouvel Observateur.
Jean Daniel hésite, renacle, puis publie, en la tronquant, la « petite anthologie ». BHL répondra en traitant Vidal-Naquet de « policier ».

Or, BHL avait pris quelques précautions, ce qui explique, peut-être, — et c'est là que se situe le sel de l'histoire — l'embarras de Jean Daniel.

Connaissant bien la psychologie de ce dernier, BHL avait pris soin dans une note
du Testament de Dieu à propos de l'action anticolonialiste de Gide à travers ses ouvrages Voyage au Congo et Retour du Tchad, d'écrire : « Aujourd'hui encore, il est quelques hommes qui, dans la grande clameur de l'ordre partisan, ont l'audace de dire les vertus de la lucidité. Ainsi Jean Daniel [...] que je tiens pour l'un de ceux qui, depuis vingt ans, font l'honneur de la gauche française.» Bravo.

Le nain sur les épaules d'un géant

Ce même 6 février 2009,
au 13 heures de France Info , il s’en prenait à Pierre Péan, le traitant de « nain » à propos de son livre sur Bernard Kouchner, Le monde selon K.
« Y en a marre de ces petits procès et de ces petites saloperies, de ces nains comme Pierre Péan qui se juchent sur les épaules de quelqu'un qui a fait quelque chose de sa vie et qui essait d'en tirer avantage. »

Sait-il qu'il paraphrase le philosophe et théologien médiéval Bernard de Chartres (« Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants
»). Si c'est le cas, son passage par la rue d'Ulm n'aura peut-être pas été vain. Puis d'ajouter dans un registre qu'il affectionne : « Il y a là quelque chose de profondément grotesque d'ailleurs, et franchement assez répugnant.»

Avec BHL, outre la grandiloquence, l’anathème, l’insulte — dans une ambiance de violence verbale très 1930 — et l'à-peu-près ne sont jamais loin. Mais le but est toujours le même : le tapage médiatique.
Comme le dit, en substance,
Seth Godin, spécialiste américain du marketing (après le Belge Noël, l'Américain Seth) : « Nos parents et l'école nous ont appris à ne pas nous faire remarquer, sinon c'est plutôt le bureau du directeur que Harvard que nous allons connaître. Il conclut en disant : le bon marketing c'est justement de faire le contraire. »
BHL a bien compris cette leçon du marketing : Faire le malin, dire n'importe quoi, mais rester sur le devant de la scène. Il y réussit assez bien. La preuve : cette chronique lui est consacrée.



Les objets du délit (ou du délire) :






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