Vendredi 6 mars 2009, au micro de RMC, Frédéric Lefebvre, jamais à court de références « pertinentes », comparait les méthodes du LKP, le collectif qui mène la grève générale en Guadeloupe depuis le 20 janvier 2009, avec celles de mafieux et de tontons macoutes.
Le 6 mars, dans l’émission « les Grandes Gueules », diffusée sur RMC, Frédéric Lefebvre, député des Hauts-de-Seine, porte-parole de l’UMP et proche de Nicolas Sarkozy, répondait aux propos d'Elie Domota, leader du LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon) qui, la veille, déclarait en créole, que : « Sé soi yo ké apliké akor la, soi yo pé kité la gwadeloup’ nou trè ferme si sa, nou péké laissé an bande béké, vin ici dan, rétablir l’esclavage » (« Soit les entrepreneurs signent l'accord, soit ils quittent la Guadeloupe, nous serons très fermes, nous ne laisserons pas une bande de békés rétablir l'esclavage »).
Le mérite de l'interview sur RFO — vue dans sa totalité — du leader du LKP est de replacer le passage incriminé dans son contexte politique. Il perd ainsi un peu de son âpreté, car Elie Domota désigne très précisément certains békés (référence aux descendants de colons blancs) au centre des accusations de mainmise sur l'économie des Antilles françaises.
5 mars 2009. Elie Domota interviewé sur RFO-Info Guadeloupe (en créole).
Frédéric Lefebvre, un spécialiste de la surenchère
Répondant aux questions des animateurs de l'émission « Les Grandes Gueules » sur RMC, Frédéric Lefebvre, après avoir concédé que le « Medef de Guadeloupe n’était pas le plus progressiste de France », lâchait la phrase qui fait aujourd’hui débat et scandale : « Il faut faire cesser ces opérations d'intimidation qui ressemblent plus à des opérations de type mafieuse [...] où on voyait ces espèces de tontons macoutes du LKP...»
« Vu à la radio »
Au passage, on notera que les seuls éléments dont dispose notre fin observateur, ce sont des reportages, comme l'on dit « vus à la télé » mais que lui a « vu à la radio ». Un peu court pour un responsable politique qui squatte les médias pour commenter à tort et à travers, un peu comme en fin de gueuleton, quand on est entre soi et que chacun y va de sa diatribe.
Strabisme politique, géographique et historique
Faut-il être bigleux pour confondre la Guadeloupe en grève générale et Haïti sous la dictature des Duvalier.
Faut-il être bigleux pour confondre une action menée par des syndicalistes et des associatifs qui réclament plus de justice sociale et les exactions d’une milice paramilitaire d’État, les Volontaires de la sécurité nationale, communément appelés tontons macoutes.
Rappelons que de 1957 à 1986, les macoutes aux ordres de François Duvalier, dit « Papa Doc », puis de son fils Jean-Claude, dit « Baby Doc » (qui trouva refuge en France après avoir été chassé du pouvoir) ont massacré, violé, terrorisé, pillé, racketté cette île qui fut la première des Caraïbes à acquérir son indépendance en 1804.
Dans son excellent livre paru en 2008 aux éditions Autrement, Haïti n’existe pas, 1804-2004 : deux cents ans de solitude, Régis Wargny parle de 30 000 morts et disparus pendant la dictature duvaliériste.
Faut-il être ignorant ou tout simplement vouloir raviver un conflit qui s’apaise après la signature, le 4 mars, entre le LKP et le préfet, de l’accord qui met fin à la grève. Alors qu'une grande partie du patronat de l'île refuse toujours de signer l'accord.
Tout au long de ces semaines tendues, le LKP a montré une grande maîtrise et une maturité politique que Frédéric Lefebvre serait bien inspiré d’imiter.
Doit-on souligner que la seule victime est un syndicaliste, Jacques Bino, un militant de la CGTG, tué par balles.
Somme toute, ce type de discours est symptomatique de la persistance d’un imaginaire colonialiste dans la société française et dans l'esprit d'une certaine élite.
Imaginaire qui balance au gré des situations entre le « nègre Banania », rigolard et pittoresque, et le « nègre révolté et marronnant », sanguinaire, la machette à la main, que l’on évoque pour effrayer le bon peuple.
Lutte sociale et pas raciale
Sur la tentative du pouvoir de « racialiser » ce conflit, Elie Domota, interrogé par Benoît Duquesne, dans « Complément d’enquête », diffusé le 9 mars sur France2, revenait sur les dimensions politique, sociale, coloniale de cette grève, et insistait sur le fait que le pouvoir voulait transformer une lutte de classes en lutte de races. Puis il réaffirmait que les revendications étaient avant tout sociales et pas raciales.
Sur France Info, Elie Domota défendra la même position: « Mes propos n'avaient rien de raciste, ceux qui veulent les interpréter comme tels, cela les regarde. J'évoque des problèmes d'ordres sociaux, il y en a que ça dérange...»
Épilogue judiciaire
Le 7 mars 2009, le parquet de Pointe-à-Pitre, en la personne du procureur de la République, Jean-Michel Prêtre, annonçait l'ouverture d'une enquête pour « incitation à la haine raciale et tentative d’extorsion de signatures » suite aux déclarations d’Elie Domota.
Les parquets sont directement branchés sur le pouvoir politique puisque hiérarchiquement dépendants du ministre de la Justice. Cela suffirait à expliquer l’initiative prise par le parquet de Pointe-à-Pitre. Joli tour de passe-passe sémantique autour de la question ethnique, qui fait de ceux qui réclament justice, les agresseurs.
Mais, il se pourrait bien que cette enquête demandée par le parquet n’aboutisse pas et qu’elle fonctionne juste comme un contre-feu allumé par un pouvoir qui, outre la volonté de criminaliser toute revendication sociale ou politique, cherche systématiquement le rapport de force.
Désormais, chacun attend que le parquet de Paris se saisisse des déclarations de Frédéric Lefebvre faites sur RMC.
Yves Jego, bientôt en vacances ?
Quant à Yves Jego, secrétaire d'État chargé de l’Outre-Mer, qui dénonçait dans Le Parisien, un « dérapage verbal inacceptable », ajoutant « quelle que soit l'intensité d'un conflit social, dire à une catégorie de la population "faites ça ou partez" n'est évidemment pas acceptable. Il faut que chacun revienne à l'esprit républicain.» On sentait que le cœur n'y était plus. Yves Jego compte les jours avant son limogeage du gouvernement de François Fillon, pardon, de Nicolas Sarkozy.
De mauvaises langues sussurent qu’il aurait été un peu trop efficace ou un peu trop mou, c'est selon. Comprendre qu’il avait trouvé un début de solution à la crise, mais que cela allait à l’encontre des intérêts immédiats du Medef local.
Yves Jégo effectuera du 19 au 24 mars son premier déplacement aux Antilles depuis la sortie de crise dans les deux départements d'outre-mer.
A voir aussi : Elie Domota reçoit le président du Groland
Une réaction inattendue
Eugène Saccomano, figure du journalisme sportif, qui anime sur RTL l’émission « On refait le match », a réagi à sa façon à la petite phrase de Frédéric Lefebvre.
Monsieur Eugène n’est pas content et il le dit avec son phrasé un peu spécial.
Le 6 mars, dans l’émission « les Grandes Gueules », diffusée sur RMC, Frédéric Lefebvre, député des Hauts-de-Seine, porte-parole de l’UMP et proche de Nicolas Sarkozy, répondait aux propos d'Elie Domota, leader du LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon) qui, la veille, déclarait en créole, que : « Sé soi yo ké apliké akor la, soi yo pé kité la gwadeloup’ nou trè ferme si sa, nou péké laissé an bande béké, vin ici dan, rétablir l’esclavage » (« Soit les entrepreneurs signent l'accord, soit ils quittent la Guadeloupe, nous serons très fermes, nous ne laisserons pas une bande de békés rétablir l'esclavage »).
Le mérite de l'interview sur RFO — vue dans sa totalité — du leader du LKP est de replacer le passage incriminé dans son contexte politique. Il perd ainsi un peu de son âpreté, car Elie Domota désigne très précisément certains békés (référence aux descendants de colons blancs) au centre des accusations de mainmise sur l'économie des Antilles françaises.
5 mars 2009. Elie Domota interviewé sur RFO-Info Guadeloupe (en créole).
Répondant aux questions des animateurs de l'émission « Les Grandes Gueules » sur RMC, Frédéric Lefebvre, après avoir concédé que le « Medef de Guadeloupe n’était pas le plus progressiste de France », lâchait la phrase qui fait aujourd’hui débat et scandale : « Il faut faire cesser ces opérations d'intimidation qui ressemblent plus à des opérations de type mafieuse [...] où on voyait ces espèces de tontons macoutes du LKP...»
« Vu à la radio »
Au passage, on notera que les seuls éléments dont dispose notre fin observateur, ce sont des reportages, comme l'on dit « vus à la télé » mais que lui a « vu à la radio ». Un peu court pour un responsable politique qui squatte les médias pour commenter à tort et à travers, un peu comme en fin de gueuleton, quand on est entre soi et que chacun y va de sa diatribe.
Strabisme politique, géographique et historique
Faut-il être bigleux pour confondre la Guadeloupe en grève générale et Haïti sous la dictature des Duvalier.
Faut-il être bigleux pour confondre une action menée par des syndicalistes et des associatifs qui réclament plus de justice sociale et les exactions d’une milice paramilitaire d’État, les Volontaires de la sécurité nationale, communément appelés tontons macoutes.
Rappelons que de 1957 à 1986, les macoutes aux ordres de François Duvalier, dit « Papa Doc », puis de son fils Jean-Claude, dit « Baby Doc » (qui trouva refuge en France après avoir été chassé du pouvoir) ont massacré, violé, terrorisé, pillé, racketté cette île qui fut la première des Caraïbes à acquérir son indépendance en 1804.
Dans son excellent livre paru en 2008 aux éditions Autrement, Haïti n’existe pas, 1804-2004 : deux cents ans de solitude, Régis Wargny parle de 30 000 morts et disparus pendant la dictature duvaliériste.
Faut-il être ignorant ou tout simplement vouloir raviver un conflit qui s’apaise après la signature, le 4 mars, entre le LKP et le préfet, de l’accord qui met fin à la grève. Alors qu'une grande partie du patronat de l'île refuse toujours de signer l'accord.
Tout au long de ces semaines tendues, le LKP a montré une grande maîtrise et une maturité politique que Frédéric Lefebvre serait bien inspiré d’imiter.
Doit-on souligner que la seule victime est un syndicaliste, Jacques Bino, un militant de la CGTG, tué par balles.
Somme toute, ce type de discours est symptomatique de la persistance d’un imaginaire colonialiste dans la société française et dans l'esprit d'une certaine élite.
Imaginaire qui balance au gré des situations entre le « nègre Banania », rigolard et pittoresque, et le « nègre révolté et marronnant », sanguinaire, la machette à la main, que l’on évoque pour effrayer le bon peuple.
Lutte sociale et pas raciale
Sur la tentative du pouvoir de « racialiser » ce conflit, Elie Domota, interrogé par Benoît Duquesne, dans « Complément d’enquête », diffusé le 9 mars sur France2, revenait sur les dimensions politique, sociale, coloniale de cette grève, et insistait sur le fait que le pouvoir voulait transformer une lutte de classes en lutte de races. Puis il réaffirmait que les revendications étaient avant tout sociales et pas raciales.
Sur France Info, Elie Domota défendra la même position: « Mes propos n'avaient rien de raciste, ceux qui veulent les interpréter comme tels, cela les regarde. J'évoque des problèmes d'ordres sociaux, il y en a que ça dérange...»
Épilogue judiciaire
Le 7 mars 2009, le parquet de Pointe-à-Pitre, en la personne du procureur de la République, Jean-Michel Prêtre, annonçait l'ouverture d'une enquête pour « incitation à la haine raciale et tentative d’extorsion de signatures » suite aux déclarations d’Elie Domota.
Les parquets sont directement branchés sur le pouvoir politique puisque hiérarchiquement dépendants du ministre de la Justice. Cela suffirait à expliquer l’initiative prise par le parquet de Pointe-à-Pitre. Joli tour de passe-passe sémantique autour de la question ethnique, qui fait de ceux qui réclament justice, les agresseurs.
Mais, il se pourrait bien que cette enquête demandée par le parquet n’aboutisse pas et qu’elle fonctionne juste comme un contre-feu allumé par un pouvoir qui, outre la volonté de criminaliser toute revendication sociale ou politique, cherche systématiquement le rapport de force.
Désormais, chacun attend que le parquet de Paris se saisisse des déclarations de Frédéric Lefebvre faites sur RMC.
Yves Jego, bientôt en vacances ?
Quant à Yves Jego, secrétaire d'État chargé de l’Outre-Mer, qui dénonçait dans Le Parisien, un « dérapage verbal inacceptable », ajoutant « quelle que soit l'intensité d'un conflit social, dire à une catégorie de la population "faites ça ou partez" n'est évidemment pas acceptable. Il faut que chacun revienne à l'esprit républicain.» On sentait que le cœur n'y était plus. Yves Jego compte les jours avant son limogeage du gouvernement de François Fillon, pardon, de Nicolas Sarkozy.
De mauvaises langues sussurent qu’il aurait été un peu trop efficace ou un peu trop mou, c'est selon. Comprendre qu’il avait trouvé un début de solution à la crise, mais que cela allait à l’encontre des intérêts immédiats du Medef local.
Yves Jégo effectuera du 19 au 24 mars son premier déplacement aux Antilles depuis la sortie de crise dans les deux départements d'outre-mer.
A voir aussi : Elie Domota reçoit le président du Groland
Une réaction inattendue
Eugène Saccomano, figure du journalisme sportif, qui anime sur RTL l’émission « On refait le match », a réagi à sa façon à la petite phrase de Frédéric Lefebvre.
Monsieur Eugène n’est pas content et il le dit avec son phrasé un peu spécial.
La réaction d’Eugène Saccomano
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