11/01/2010

manifestation des ouvriers en colère de continentalContinental : TF1 auxiliaire de justice dans les échauffourées de la sous-préfecture de Compiègne

C'est ce qu'affirmait sur France Inter, Xavier Mathieu, porte-parole des salariés en conflit avec leur entreprise — l'équipementier automobile allemand Continental — au micro de Pascale Pascariello dans l'émission Comme on nous parle du 7 janvier 2010.

Xavier Mathieu (représentant CGT), un des six Conti condamnés à plusieurs mois de prison avec sursis pour le « saccage » de la sous-préfecture de l'Oise, accusait nommément la chaîne du groupe Bouygues d'être responsable de leur identification par la justice et que cette dernière se servait, comme pièce à conviction pour le procès, des images diffusées, le 21 avril 2009, dans le 20 heures de Laurence Ferrari sur TF1. Cette dernière n'hésitait pas à lancer le reportage en parlant de « préfecture saccagée » et de « flambée de violence ».

La mise en cause de TF1 intervient au moment où les salariés de Continental (cinquième équipementier mondial) commencent à recevoir — depuis le 1er janvier 2010 – la lettre leur notifiant la rupture de leur contrat de travail, et aussi quelques jours seulement avant le procès en appel des six salariés de Continental condamnés en première instance, qui se tiendra le 13 janvier 2009 à Amiens.

TF1 pas flou

En effet, à l'inverse de tous les autres médias, TF1 n'avait pas flouté les visages des salariés qui occupaient la sous-préfecture de l'Oise. Circonstance aggravante pour TF1, toujours selon Xavier Mathieu (ci-dessous), un accord avait été passé avec l'ensemble des équipes de journalistes sur place. Pour que ceux-ci puissent suivre l'occupation de la sous-préfecture, ils devaient dissimuler les identités, avec les moyens techniques habituels, au moment de la Xavier Mathieu, porte-parole des salariés de Continentaldiffusion des reportages à l'antenne.
Tant sur France 2, France 3, France 24 (équipes différentes ou montages différents) que ITélé ou BFM, les rédactions avaient respecté l'accord de principe — qui n'est après tout que l'observation d'une règle déontologique fondamentale du journalisme. Les équipes de reportage avaient donc bien pris garde de flouter les visages. La presse écrite, de même, diffusait des photos avec des visages floutés. Par exemple Le Parisien avec les photos d'Arnaud Dumontier.


TF1 la politique du flou

Dérapage, incompétence, désir intériorisé de nuire, volonté délibérée de donner des gages au pouvoir ? On aimerait que Denis Cadeau (service économie) qui a effectué le reportage, ainsi que Catherine Nayl, logo de la chaîne TF1la directrice de la rédaction, s'expliquent. D'autant que celle-ci occupe un poste si sensible qu'elle est directement rattachée à Nonce Paolini, le PDG du groupe TF1. Quant on connaît les liens qui unissent Nicolas Sarkozy à Martin Bouygues, on devient vite soupçonneux et en droit de se poser des questions.

D'autant que TF1 sait faire
. En effet, la chaîne est passé maître dans l'art du flou : pas un logo, pas une marque, pas un slogan,
quelle que soit l'émission — jusques et y compris dans les émissions de télé-réalité — ou quelle que soit la surface, qui ne soient floutés. Ce qui provoque parfois d'irresistibles moments de comique involontaire.

Saisie le vendredi 8 janvier 2010, au 20 heures de TF1, dans un sujet sur les intempéries, la plaque d'immatriculation d'une voiture fichée dans la neige. Plaque vue fugitivement, mais plaque floutée, comme il se doit. On imagine les conséquences, certainement désastreuses pour son propriétaire, dans le cas contraire. Ironie mise à part, c'est le simple respect du droit à l'image tel que la CNIL l'a défini et que l'usage professionnel l'impose.
Or, pour les Conti, pas de floutage. Alors, que penser ?


Loi anticasseurs au service de la casse sociale

les Continental en meeting à ClairoyLe 13 janvier 2009, six ex-salariés de Continental comparaîtront donc devant la cour d'appel d'Amiens.
En première instance, le 1er septembre 2009, devant le tribunal correctionnel de Compiègne, ils avaient écopé de peines de prison avec sursis allant de 3 à 5 mois et d'une amende de 63 000 euros. Les faits reprochés : le « saccage », le 21 avril 2009, de la sous-préfecture de cette même ville de Compiègne.
L'avocate de la défense, Marie-Laure Dufresne-Castets, qui plaidera la relaxe devant la cour d'appel d'Amiens, insiste sur la régression démocratique induite par le premier jugement, puisqu'il renvoie à une loi abrogée en 1982 par Robert Badinter, alors ministre de la Justice, la loi anticasseurs du 8 juin 1970. Car la procureure a retenu comme circonstance aggravante le « délit en réunion ». Cette loi anticasseurs ressuscitée sous le nom de loi antibandes par Nicolas Sarkozy, et trouvant son plein emploi dans les conflits sociaux. C'est aussi une de ses finalités.

Or, comme le souligne Nicolas Vignolles dans une note écrite pour la Fondation Jean-Jaurès sur cette loi anticasseurs et son actualisation par le pouvoir actuel : la Cour de cassation, le 26 février 1956, dans un grand arrêt de principe, rappelait que : « Nul ne doit être passible de peine qu’à raison de fait personnel. » Ce qui exclue, et c'est un principe fondamental du droit, les peines infligées à titre collectif.

Rappelons que le « saccage » faisait suite à l'annonce, en direct devant les caméras de télévision (ô sublime synchronisme) du jugement du tribunal de Sarreguemines (où se trouve l'autre site français de Continental) qui déboutait l'intersyndical (CFTC, CGT, FO, et CNC) de sa demande de suspension ou d'annulation du plan social pour délit d'entrave.
ouvriers de Continental à Clairoy, Oise
La juge des référés, Elisabeth Rigal, avait estimé qu'il n'y avait eu aucune irrégularité de la part de la direction de l'équipementier allemand.
Dans cette affaire Continental, la chronologie revêt une grande importance. On constate avec quelle célérité, désormais, les firmes peuvent fermer des sites, licencier (ici 1 120 personnes), délocaliser et combien la justice se montre prompte à établir des faits et juger les six personnes impliquées dans le « saccage » d'un bureau de la sous-préfecture de Compiègne.


Xavier Mathieu résume, de façon passionnée, la situation des Conti face à un Frédéric Lefebvre dépassé. Au second plan, Alexis Brezet, rédacteur en chef adjoint du Figaro, ne pipe mot. (Mots croisés, 8 septembre 2009 sur France 2)




Les Conti, seuls face à la justice


Pas tout à fait, puisque les principaux leaders de la gauche viendront,
le 13 janvier 2009, à la barre, comme témoins de moralité, au tribunal d'Amiens.
Cités par la défense, en l'occurrence
Marie-Laure Dufresne-Castets, l'avocate des six de Clairoix : Nathalie Arthaud, Olivier Besancenot, Marie-George Buffet, Cécile Duflot, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon.
ouvrier de Continental devant l'usine de ClairoyMais des Conti quand même bizarrement seuls devant les tribunaux. Car bien que le gouvernement, par la voix de son premier ministre, François Fillon, mais aussi de Christine Lagarde, de Luc Chatel (alors secrétaire d'État chargé de l'Industrie et de la Consommation auprès de la ministre de l'Économie) et de Laurent Wauquier, s'était ému de la situation, aucune poursuite judiciaire n'a été engagée.

Luc Chatel
évoquait pourtant de possibles suites judiciaires à l'encontre du groupe Continental, ou à tout le moins, d'explications que le groupe devrait fournir à la justice française. Il n'en a rien été. Aucune plainte, ni aucune demande d'explication n'ont été déposées par le ministre — ni par son successeur, Christian Estrosi.

Le groupe Continental avait signé un accord sur le temps de travail avec les syndicats du site de Clairoix contre la promesse de pérenniser les activités du site.
La colère des salariés étant d'autant plus forte qu'ils avaient le sentiment d'avoir été floués dans ce marché de dupes.

Voila ce que
Luc Chatel déclarait dans sa conférence de presse du 3 mars 2009, sur le dossier Continental et la négociation tripartite (Etat, direction de Continental et syndicats) après avoir rencontré la direction de l'équipementier allemand




Malgré les déclarations de Luc Chatel, La direction de Continental n'aura eu aucun compte à rendre.
Depuis le début du conflit, elle se retranche derrière la crise mondiale qui ferait baisser la production de pneus, selon ses propres estimations, entre - 25 et - 30 %.
Mais la crise mondiale ne semble pas toucher le site Continental de Timişoara, en Roumanie, où l'équipementier allemand recrute du personnel, depuis au moins le début de 2009, et augmente son rythme de production mois après mois. (Source Le Monde du 11.04.09)

Cela s'appelle tout simplement une délocalisation.

Ça roule pour Continental

Enfin, les Conti français, mais aussi allemands (780 salariés licenciés à Hanovre après la fermeture de leur site), seront certainement ravis d'apprendre sur la Tribune.fr, que le groupe allemand Continental va levé 1,085 milliards d'euros. Nouvelle qui réjouit les marchés, puisqu'à la bourse de Francfort, l'action Continental a gagné un peu plus de 9 %. Pendant la crise et les procès de salariés en colère, les affaires continuent. Et pour reprendre le titre d'une pièce fort édifiante et d'actualité d'Octave Mirbeau : Les affaires sont les affaires.

À consulter

Site des Contis

ContiBlog (contexte, pétition, historique, les actions)


La reconversion difficile des Conti. Le Courrier Picard. 11 janvier 2010

La chronologie en images du conflit Continental. France 3 Nord Pas-de-Calais Picardie.


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