Jean-Luc Hees, désigné par Nicolas Sarkozy pour prendre la présidence de Radio France, a fait la tournée des (po)potes, début avril 2009, comme le veut la nouvelle loi sur l’audiovisuel public. Tournée qui a ressemblé plus à une promenade de santé qu’à un authentique examen. Plus facile que le bac, en somme. Jean-Luc Hees (57 ans) prendra ses fonctions de président le 12 mai 2009. Le 16 mai, on saura si Philippe Val occupera la direction de France Inter comme le souhaite Nicolas Sarkozy.
A la suite de débats, parfois houleux, puis du vote de la loi sur l’audiovisuel public (adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, le 3 et le 4 février 2009), beaucoup de ceux qui s’interrogeaient sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public, officiellement en conseil des ministres, ou plus exactement de par la volonté ou le caprice du Prince, ont pu, en temps réel, à travers le cas Jean-Luc Hees, constater que leurs craintes étaient fondées. Les opposants, eux, ont trouvé une confirmation à leur dénonciation d’une loi qui vise à mettre au pas les médias.
Institutions : filtre ou passoire ?
Ainsi, toutes les institutions qui devaient être autant de filtres propres à garantir l’impartialité de la nomination, on ose à peine dire démocratique, du nouveau président de Radio France, ressemblait plus à une passoire.
Le 7 avril 2009, audition au CSA. Le lendemain, audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat.
Puis le 29 avril, Assemblée nationale : vote, 26 voix pour, une contre, cinq abstentions, un bulletin blanc.
Jean-Luc Hees, après ce simulacre, est le nouveau patron de Radio France. Le conseil des ministres officialise sa nomination, le 6 mai.
Jean-Luc Hees gêné aux entournures au Sénat
C’est un Jean-Luc Hees, très poli, très obséquieux, qui apparaît sur les images tournées pendant son audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, comme pour dire :« je sais l’importance que revêt mon audition au Sénat, non vous n’êtes pas des potiches, mesdames, messieurs les sénateurs, non je ne suis pas encore président de Radio France ».
Les sénateurs de l’opposition, Serge Lagauche et Jean-Pierre Bel pour le PS, et Ivan Renar pour le CRC-SPG, rappelleront qu’ils n’ont rien contre M. Hees en particulier, mais soulignerons dans leur intervention, le côté faussé de l’exercice, ne sachant qu’elle rôle il ont à joué dans cette mascarade.
Jean-Luc Hees s’en tient à des généralités de bon aloi et pratique la langue de bois avec une certaine aisance, mais à la question du sénateur PS Jean-Pierre Bel, sur la possible nomination de Philippe Val à la tête de France Inter (le nom ne sera prononcé par aucun des protagonistes), Jean-Luc Hees s’empourpre, semble mal à l’aise, puis répond de façon quelque peu sibylline, « J’ai été surpris ». Comprendre j’ai été surpris qu’un tel nom soit avancé par Nicolas Sarkozy lors de l’entretien préalable à mon embauche. Mais là où le bat blesse, c’est que Jean-Luc Hees a collaboré en 2008 à Charlie Hebdo. Il a suivi pour ce journal la campagne des élections présidentielles américaines. Ses chroniques sont réunies, avec des dessins de Riss, dans Obama, what else ?, éditions Charlie Hebdo, coll. Les échappés, 2009. Sans oublier que le même Jean-Luc Hess avait introduit Philippe Val dans la Maison ronde en 1992. Alors, va-t-on vers un ticket Hees-Val ? Tout le laisse croire.
Jean-Luc Hees, trop drôle !
Jean-Luc Hees, parangon du service public, après son audition au CSA, le 8 avril 2009, œil bleu pétillant et crinière blanche au vent, très villepinienne, n’en déplaise à son protecteur, le président Sarkozy, s’est rendu, en invité d’honneur, dans le temple français du bon goût radiophonique : l’émission Les Grosses Têtes sur RTL. Il est comme ça, Jean-Luc Hees, cool, très West Coast. Il a même promis, devant les députés, de ne pas virer Stéphane Guillon — qui énerve fort l’Élysée — tout en rappelant « qu’il n’était pas fana de l’impertinence ».
Un professionnel de la profession
La radio, c’est comme les chaises musicales : le 11 mai 2009, Jean-Paul Cluzel, le président sortant, laissera son fauteuil à celui qu’il avait viré de France Inter en 2004… Jean-Luc Hees. Ce qui avait provoqué quelques remous, qui plus est à deux semaines des Européennes (tiens, tiens, bis repetita ?).
Selon le Canard enchaîné de l'époque, Jacques Chirac aurait déclaré à propos de Cluzel (parrain de la fille d’Alain Juppé) : « Il est vraiment trop con, celui-là. » Quant à Jean-Luc Hees qui est un professionnel reconnu, beaucoup doutent de ses capacités à gérer la Maison ronde (4 000 personnes, dont 600 journalistes), enchevêtrement de baronnies et de clans que les années ont sédimenté en fiefs inexpugnables.
Certains parlent de lui comme d’un saltimbanque, ou d'un cow boy (on se perd dans les comparaisons) un peu dilettante, homme d’antenne fâché avec les chiffres. D’autant que son prédécesseur, Jean-Paul Cluzel laisse quelques chantiers ouverts. Jean-Paul Cluzel, éjecté fissa par Nicolas Sarkozy, qui n’aurait pas apprécié sa prestation SM-piercing pour le calendrier 2009 d'une campagne d’Act Up Paris. Bizarrement, à cette occasion, aucune voix n'a même esquissé la thèse d'un prurit homophobe.
Selon le Canard enchaîné de l'époque, Jacques Chirac aurait déclaré à propos de Cluzel (parrain de la fille d’Alain Juppé) : « Il est vraiment trop con, celui-là. » Quant à Jean-Luc Hees qui est un professionnel reconnu, beaucoup doutent de ses capacités à gérer la Maison ronde (4 000 personnes, dont 600 journalistes), enchevêtrement de baronnies et de clans que les années ont sédimenté en fiefs inexpugnables.
Certains parlent de lui comme d’un saltimbanque, ou d'un cow boy (on se perd dans les comparaisons) un peu dilettante, homme d’antenne fâché avec les chiffres. D’autant que son prédécesseur, Jean-Paul Cluzel laisse quelques chantiers ouverts. Jean-Paul Cluzel, éjecté fissa par Nicolas Sarkozy, qui n’aurait pas apprécié sa prestation SM-piercing pour le calendrier 2009 d'une campagne d’Act Up Paris. Bizarrement, à cette occasion, aucune voix n'a même esquissé la thèse d'un prurit homophobe.
Monsieur Radio France peut déjà fourbir ses outils car les chantiers qui l'attendent son nombreux. Sans compter et le climat social et les interventions de l'Élysée auquel il aura à faire face.
- Renégociations des conventions collectives qui risquent d'être déclarées caduques.
- Réhabilitation de la Maison ronde, siège du groupe. Très 1960, conçue par l’architecte Henry Bernard, un programme de réhabilitation qui devait s’achever en 2013 pour un montant initial de 328 millions d’euros, le voici passé à 420 millions d’euros constant et le chantier sera probablement achevé en 2015-2016. Rappelons que le budget 2009 de Radio France s’élève à 611 millions d’euros.
- Redynamisation du réseau des quarante et une stations locales, avec une redéfinition des synergies et des identités individuelles.
- Passage au numérique qui, outre les questions techniques, entraînera une redistribution des coûts, à revoir plutôt à la hausse. Et développement de la politique de convergence des médias déjà entamée par son prédécesseur.
Espérons que devant un tel programme, et de tels défis, Jean-Luc Hess, aura autre chose à proposer que la somme de banalités dont il a gratifiée les élus qui l’ont auditionné. Manque de temps et de préparation sans doute.
Le Château fait la loi
Désormais, nous savons comment cela se passe en France, en 2009, pour nommer des grands commis de l’État. Le président de la République convoque un journaliste d’expérience, « ni de gauche, ni de droite », (il a tout de même écrit un Sarkozy président ! Journal d'une élection aux éditions du Rocher, 2007, pas vraiment anti) lui dit « tu seras président » ; au passage, tu prendras comme président d’une filiale, un type qui m’a donné des gages et qui est un ami de ma femme. Pour cela on mobilise un organisme d’État et deux chambres parlementaires qui serviront de chambre d’enregistrement. L’honneur est sauf, mais l’ORTF est de retour.
Mais subsiste une question : quelles que soient leurs opinions politiques, leurs visions de la société, comment des élus de la République acceptent qu’on les traite de la sorte ?
Une dernière chose : Jean-Luc Hees ne devra pas oublier qui l'a fait roi. Comment le pourrait-il ? Quand il sera confortablement assis dans son beau fauteuil, au centre du pouvoir de la Maison ronde, il lui faudra penser que celui-ci est un fauteuil éjectable puisque la loi prévoit qu'il est révocable à tout moment, par la seule volonté du chef de l'État. C'est pour ça que la loi a été faite et faite sur mesure.
Audition de Jean-Luc Hees pour la présidence de Radio France devant la commission des affaires culturelles du Sénat. Avril 2009. (1h30 environ)
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